1. Droit d'alerte pour danger grave et imminent
Les CDL du site de Dunkerque paient depuis plusieurs mois les conséquences de la politique migratoire inhumaine menée par l'Etat français. Dans l'exercice de leur travail, qu'ils sont contraints de mener dans un environnement totalement insécurisé du fait de la présence massive de réfugiéEs sur une voie ferrée qu'ils empruntent quotidiennement, leur vie, leur santé, sont menacées. C'est pourquoi la délégation SUD-Rail au CSE a déposé un droit d'alerte pour danger grave et imminent. Les salariés concernés ont fait usage de leur droit de retrait.
Droit d'alerte pour danger grave et imminent
Monsieur le Directeur,
Depuis plusieurs semaines, les conducteurs de ligne (CDL) affectés sur le site de Dunkerque vous alertent au sujet de la présence migratoire constatée, entre le poste 9 et le poste 8, sur la voie VHU du Grand Port Maritime de Dunkerque (GPMD), voie empruntée quotidiennement par ces salariés pour l’exécution de leurs missions et la réalisation des trafics dont notre entreprise a la charge. Ils vous alertent sur l’ampleur du danger qui ne cesse de croître, ainsi que sur les conditions d’exercice de leur travail qui ne cessent de s’en trouver toujours plus dégradées.
Cette présence migratoire se manifeste non seulement par l’établissement de camps à proximité de la zone, mais surtout par la divagation ou le stationnement continus de personnes dans les emprises ferroviaires, sur la voie, au passage de trains circulant à la vitesse de 60 km/h, ce qui constitue un danger grave et imminent non seulement pour ces personnes, mais également pour les conducteurs de Captrain France.
Ainsi, le 8 septembre 2022, un conducteur de l’entreprise a percuté une personne migrante sur cette voie. Par miracle, cette dernière s’en est sortie simplement blessée. Mais le risque est donc bien réel.
Condamnées à l’errance dans des conditions déplorables et inhumaines, ces personnes évoluent dans un climat anxiogène où la violence a vocation à s’imposer et à s’intensifier. C’est ainsi, tel que le rapporte la presse, qu’un phénomène de fusillades répétées s’amplifie depuis le mois de mai, précisément dans cette zone, faisant régulièrement des morts et des blessés graves.
Les salariés de l’entreprise se trouvent donc confrontés, dans l’exercice de leur travail, non seulement à un risque élevé pour leur santé mentale (choc psychologique, stress, crainte d’un accident mortel par la circulation du train, crainte de devoir vivre avec un tel événement le cas échéant, crainte de se retrouver victime collatérale ou cible d’une fusillade ou d’une agression), mais également à un risque élevé pour leur santé physique (blessure en cas d’accident, fusillade ou agression effective).
En réponse à cette situation, suite à une réunion tenue le 31 août 2022 au siège de Socorail en présence de représentants du GPMD, de Fret SNCF, de Captrain France et de Socorail, il semble que vous souhaiteriez vous orienter, dans un délai relativement long au regard de la situation, vers des mesures totalement inefficaces.
La pose sur le terrain de panneaux d’interdiction de présence, quand bien même seraient-ils en plusieurs langues, n’a absolument aucun effet sur des personnes déterminées à rejoindre l’Angleterre et dont la vie est en jeu. Nous le savons déjà par les expériences de Calais et de Vintimille.
Il en va de même du rajout de ballast dans le but de rendre inconfortable la présence dans la voie. Le quotidien de ces personnes est déjà bien plus « inconfortable ». Un tel ajout n’empêcherait en rien les comportements constatés, à savoir marcher et s’assoir sur la voie.
Il en va enfin de même de l’agrandissement de la piste, qui n’empêche en rien les mêmes comportements constatés et peut au contraire contribuer à accentuer une présence massive aux abords de la voie, démultipliant les risques.
Ces pseudo-mesures représentent sans aucun doute un coût financier, alors qu’elles n’éloignent aucunement les dangers.
En matière de prévention des risques pour la santé au travail, l’article L. 4121-2 du code du travail impose à l’employeur de mettre en œuvre des mesures destinées notamment à « éviter les risques » et à « combattre les risques à la source ».
Ces principes généraux de prévention, dans la situation en question, ne peuvent se traduire que par une cessation de la présence migratoire en ces lieux. Concrètement, cela signifie l’abrogation des accords du Touquet, pour rétablir la liberté de circulation et permettre à ces personnes de rejoindre librement l’Angleterre, et l’ouverture d’hébergements d’urgence, afin que ces personnes puissent vivre dans des conditions dignes et sécurisées, anéantissant tout intérêt à une présence sur ces lieux. Il va de soi que vous n’avez pas compétence pour prendre de telles mesures : vous n’avez pas compétence pour « combattre les risques à la source ».
En revanche, il est de votre responsabilité, pour le moins, d’éviter les risques, c’est-à-dire d’éviter le passage des trains sur cette voie. Or, il existe une mesure dont nous pouvons être certain que l’investissement financier donnerait satisfaction. Il s’agit de supprimer temporairement les circulations sur la VHU tant qu’il y a présence migratoire, et de faire passer les trafics par le poste 10.
Cette mesure implique au moins deux heures de manœuvres supplémentaires pour les salariés. Compte tenu de l’organisation du travail sur le site de Dunkerque, elle impose l’affectation de moyens humains et matériels, c’est-à-dire l’affectation d’effectifs supplémentaires, ainsi que d’un engin moteur supplémentaire.
A défaut d’une telle mesure, il ne resterait qu’à interrompre les trafics du site, tant que les dangers persistent. Or, pour l’heure, ces dangers graves et imminents persistent.
C'est pourquoi, en tant que membre du CSE et conformément à l'article L. 4132-2 du code du travail, nous vous déposons par la présente un droit d'alerte pour danger grave et imminent concernant les risques d’accident de personne et l’ensemble des risques sur la santé mentale et physique liés à l’environnement anxiogène et violent auxquels sont soumises les circulations ferroviaires au sein du Grand Port Maritime de Dunkerque, en raison d’une concentration de population migrante livrée à elle-même.
Ce droit d'alerte couvre l'ensemble des CDL de Captrain France affectés sur le site de Dunkerque. Merci de bien vouloir en déposer copie dans le registre spécial de l'entreprise.
Nous vous rappelons que ce droit d'alerte pour danger grave et imminent oblige l'employeur à procéder immédiatement à une enquête conjointe avec le représentant du CSE qui lui a signalé le danger et à prendre les dispositions nécessaires pour y remédier.