19 mars 2020
Coronavirus : Déclaration de la délégation SUD-Rail
19 mars 2020
Sommaire
1. Une direc­tion hors-la-loi
2. Rapport d'enquête
3. Nos revendications
4. Pour une direc­tion responsable

En pleine crise de Coronavirus, VFLI a tenu par visio­con­fé­rence sa réunion ordi­naire du CSE ce 19 mars 2020. Voici la décla­ra­tion de la délé­ga­tion SUD-Rail pro­non­cée lors de cette réunion et qui sera annexée au pro­cès verbal.

Début mars, des sala­riés affec­tés sur dif­fé­rents sites du Nord et d'autres affec­tés aux tra­fics de Vintimille et Modane ont com­men­cé à nous expri­mer les pre­mières inquié­tudes quant aux risques liés au Coronavirus à l'occasion de leur tra­vail, pour des rai­sons évi­dentes de proxi­mi­té avec des zones à hauts risques de conta­gion. Compte tenu de l'écart consta­té entre les mesures prises par la direc­tion dans sa note de ser­vice du 28 février et les condi­tions réelles de tra­vail de ces sala­riés, nous avons ten­té d'initier dans la fou­lée un droit d'alerte pour dan­ger grave et immi­nent dans le cadre du CSE. Pour des rai­sons internes à notre orga­ni­sa­tion syn­di­cale puis liées à des hési­ta­tions dues au carac­tère nou­veau du fonc­tion­ne­ment de cette ins­tance qu'est le CSE, ce droit d'alerte n'a pas pu se consti­tuer en tant que droit d'alerte du CSE. Nous pré­sen­tons nos excuses aux col­lègues de la CGT. Mais c'est pour­quoi, face aux situa­tions à risques de plus en plus nom­breuses ren­con­trées par les sala­riés sur l'ensemble du ter­ri­toire, et suite aux annonces du Président de la République du 12 mars 2020, les membres de la délé­ga­tion SUD-Rail au CSE ont déci­dé, comme vous le savez, de dépo­ser le 13 mars 2020 auprès du Président de VFLI un droit d'alerte pour dan­ger grave et immi­nent dû à la pan­dé­mie du coro­na­vi­rus, et cou­vrant l'ensemble des salariés.

Une direc­tion hors-la-loi

Nous sou­hai­tons, sur ce sujet, por­ter quelques élé­ments à la connais­sance des membres du CSE et des sala­riés. On pour­rait certes nous repro­cher de ne pas avoir fait figu­rer dans ce droit d'alerte, confor­mé­ment à l'Article D4132-1 du code du tra­vail, la liste des postes de tra­vail concer­nés par la cause du dan­ger consta­té, ni le nom des tra­vailleurs expo­sés ; mais cha­cun est à même de com­prendre que, dès lors que le virus cir­cu­lait sur l'ensemble du ter­ri­toire, ce sont désor­mais l'ensemble des sala­riés qui fai­saient face au risque de mala­die. Un droit d'alerte simi­laire a d'ailleurs été dépo­sé à la SNCF.

Nous signa­lons aux membres du CSE qu'un signa­taire du droit d'alerte a ten­té de dépo­ser celui-ci dans le registre spé­cial du siège de la région Sud-Est, mais n'avait pas les moyens d'y accé­der. Le CSE devra donc s'accorder sur les moyens de rendre pos­sible l'application de l'Article D4132-2 du code du travail.

En revanche, nous regret­tons for­te­ment que la direc­tion n'ait pas jugé appro­prié d'appliquer l’Article L4132-2 du code du tra­vail. En effet, en ver­tu de celui-ci, dès l'avis d'un droit d'alerte, l’employeur doit pro­cé­der immé­dia­te­ment à une enquête avec le repré­sen­tant du CSE qui lui a signa­lé le dan­ger et prendre les dis­po­si­tions néces­saires pour y remé­dier. En fai­sant le choix de trai­ter le pro­blème lors de la pro­chaine réunion ordi­naire du CSE de ce jour, au lieu de dili­gen­ter immé­dia­te­ment une enquête conjointe, la direc­tion a por­té entrave au fonc­tion­ne­ment régu­lier d'une ins­tance repré­sen­ta­tive du personnel.

Enfin, nous regret­tons éga­le­ment que la direc­tion n'ait pas jugé appro­prié d'appliquer l’Article L4132-3 du code du tra­vail, selon lequel, en cas de diver­gence sur la réa­li­té du dan­ger ou la façon de le faire ces­ser, le CSE doit être réuni d'urgence, dans un délai n’excédant pas 24 heures. En déci­dant de s'en tenir à la pro­chaine réunion ordi­naire du CSE de ce jour, la direc­tion a déci­dé uni­la­té­ra­le­ment, comme elle l'indique dans son cour­rier de réponse au droit d'alerte, « qu'aucun sala­rié n'est actuel­le­ment confron­té à une situa­tion de dan­ger grave et immi­nent ». Or ce n'est pas à l'employeur d'en déci­der, mais, en der­nier res­sort, à l'inspection du tra­vail. En fai­sant le choix de ne pas réunir le CSE dans les 24h, la direc­tion a por­té entrave au fonc­tion­ne­ment régu­lier d'une ins­tance repré­sen­ta­tive du personnel.

Sur la réa­li­té du dan­ger, nous rap­pe­lons aux membres du CSE qu'est consi­dé­ré comme dan­ger grave « un dan­ger sus­cep­tible de pro­duire un acci­dent ou une mala­die entraî­nant la mort ou parais­sant devoir entraî­ner une inca­pa­ci­té per­ma­nente ou tem­po­raire pro­lon­gée » ; est consi­dé­ré comme dan­ger immi­nent « un dan­ger sus­cep­tible de se réa­li­ser bru­ta­le­ment et dans un délai rap­pro­ché ».

Pour nous, le coro­na­vi­rus, tel qu'il se répand sur l'ensemble du ter­ri­toire, et faute de mesures de pré­ven­tion adap­tées, est un dan­ger grave et immi­nent pour chaque sala­rié de l'entreprise, qui a tout motif rai­son­nable de pen­ser que sa situa­tion au tra­vail pré­sente un tel dan­ger pour sa san­té et sa vie.

Nous sou­hai­tons aver­tir, contrai­re­ment à ce que pour­rait lais­ser pen­ser la réponse de la direc­tion, qu'il n'y a pas dan­ger grave et immi­nent seule­ment à par­tir du moment où un sala­rié contracte le virus.

Rapport d'enquête

A défaut d'une enquête conjointe avec l'employeur, dont nous pen­sons, au vu des cir­cons­tances excep­tion­nelles, qu'elle aurait pu être orga­ni­sée de manière coor­don­née avec l'ensemble des membres du CSE, sur l'ensemble des sites, et appor­ter très rapi­de­ment de nom­breuses mesures de pro­tec­tion aux sala­riés, nous avons pris l'initiative de nous orga­ni­ser, dans la mesure de nos forces, en vue d'avoir une idée rela­ti­ve­ment pré­cise des condi­tions de tra­vail d'un maxi­mum de sala­riés. Nous avons pu échan­ger avec 200 à 300 sala­riés sur ces 3 der­niers jours, et sommes par­fois allés sur place selon les pos­si­bi­li­tés. Nous sommes donc en mesure de mettre sous vos yeux des remon­tées du ter­rain dans ces cir­cons­tances excep­tion­nelles, confor­mé­ment au rôle qui nous incombe en tant que repré­sen­ta­tion du personnel.

Aucun site ne met à dis­po­si­tion le kit com­plet de pro­tec­tion indi­vi­duelle (Masque de 2ème caté­go­rie, lin­gettes dés­in­fec­tantes, gants jetables, gel hydro­al­coo­lique). Parfois du gel hydro­al­coo­lique et des lin­gettes ; mais jamais de masque ni de gants jetables. A notre connais­sance, Vittel semble la seule exception.

Beaucoup trop de sala­riés tra­vaillent sans aucun moyen de pro­tec­tion. C'est le cas notam­ment sur les 3 sites ITE de Lavera, alors que l’un d’entre eux reçoit un cer­tain nombre de rou­tiers venus d'Italie.

Sur plu­sieurs sites, aucune com­mande de moyens de pro­tec­tion n’a été faite (Bellegarde, Gudmont, et sans doute d'autres). La situa­tion est d’autant plus grave à Gudmont qu'il n'y a pas de point d’eau pour se laver les mains.

Certains sites, tel que Compiègne, savent qu'ils ne seront pas réap­pro­vi­sion­nés avant le mois d’avril.

Sur le tra­fic de Modane, le net­toyage de la cabine de la 36000 est qua­si impos­sible à cause des nom­breux recoins. Un net­toyage pren­drait trop de temps aux conduc­teurs en n'ayant aucune garan­tie que la cabine soit dés­in­fec­tée, pro­blème d’autant plus impor­tant que la machine vient de Novara dans le Piémont en Italie, une zone à risque et mise en quarantaine.

Il n'y a aucune garan­tie que les conduc­teurs ita­liens dis­posent de kits de pro­tec­tion indi­vi­duelle. Or il y a contact direct avec les Italiens à Modane (lors des relèves) ain­si qu’à Vintimille.

Sur plu­sieurs sites, des moyens de pro­tec­tion ne sont pas acces­sibles aux sala­riés : ils sont ran­gés sous clé.

A cours de moyens de pro­tec­tion, les supé­rieurs hié­rar­chiques pro­posent aux sala­riés de se les ache­ter eux-mêmes et de les mettre sur note de frais. Or c’est à la direc­tion de mettre des moyens de pro­tec­tion à dis­po­si­tion, après avoir fait preuve d'anticipation. Les sala­riés qui ont ten­té de s'en pro­cu­rer par leurs propres moyens ont dû faire face à la pénurie.

Certains sites sont com­plè­te­ment dépen­dants d’autres sites éloi­gnés. Par exemple, les CDL de Dijon et Modane sont obli­gés de pas­ser à Lyon pour trou­ver éven­tuel­le­ment du gel hydro­al­coo­lique et des lingettes.

Des CDL estiment qu’une lin­gette dés­in­fec­tante n’est pas suf­fi­sante pour garan­tir le net­toyage com­plet des machines. Beaucoup d’entre eux ont des doutes concer­nant le net­toyage (mou­choirs trai­nant à terre, pou­belles qui débordent…). Le coro­na­vi­rus peut sur­vivre de plu­sieurs heures à plu­sieurs jours en dehors du corps humain, selon les sur­faces, la tem­pé­ra­ture, l'humidité...

Les sala­riés qui doivent prendre des voya­geurs se sont retrou­vés dans des gares avec des ras­sem­ble­ments de plus de 100 personnes.

Beaucoup de sala­riés se sont retrou­vés dans des voi­tures voya­geurs de plus de 100 per­sonnes non espa­cées de plus d’un mètre.

La semaine der­nière, un conduc­teur a pas­sé 6h dans un voya­geur avec quelqu’un qui lui tous­sait des­sus dans le dos pen­dant 1h30. Un autre conduc­teur a reçu un mail du Centre de Crise Sanitaire (gou­ver­ne­ment) lui indi­quant qu’il s’est retrou­vé quelques jours aupa­ra­vant dans la même voi­ture voya­geurs qu’une per­sonne ayant contrac­té le Coronavirus.

Des sala­riés refusent les EV ou refusent de se rendre dans les gares de peur d’être conta­mi­nés. D'autres sont angois­sés à l'idée de res­ter coin­cés en décou­ché, donc reprennent les EV retours pour ren­trer chez eux.

Sur cer­tains sites, les res­pon­sables hié­rar­chiques pro­posent aux conduc­teurs de faire leur EV sur le train d’un col­lègue, plu­tôt que de mettre à leur dis­po­si­tion une voi­ture de loca­tion… Or cette situa­tion ne doit être pos­sible qu’à la condi­tion que ces conduc­teurs ne par­tagent pas la même cabine de conduite, afin de res­pec­ter les dis­tances de sécurité.

Les EV sont per­çus comme un risque énorme à cause du pas­sage de nom­breuses per­sonnes venues des quatre coins de la France et du fait qu'ils pro­viennent sou­vent de zones à risques.

Il est sou­vent dif­fi­cile de res­pec­ter l’éloignement avec les col­lègues en machine ; il en va de même dans les voi­tures de ser­vice. Les sala­riés se retrouvent par­fois à 5 dans des voi­tures de ser­vice sur un tra­jet long (entre 1h30 et 4 heures de trajet).

Certains tra­fics com­portent des agents d’accompagnement. Soit plu­sieurs agents sur un engin moteur.

Certains sites, comme à Port-du-Rhin, accueillent appa­rem­ment encore des sala­riés en for­ma­tion ou en cours d’habilitation, donc en double, voire en triple avec les agents. Une des sala­riée pré­sente hier était ini­tia­le­ment pré­vue en for­ma­tion VT, laquelle a été annu­lée, suite à quoi cette sala­riée a été mise en "réserve" sur site, au lieu de ren­trer chez elle.

De même, des sala­riés sont encore pla­ni­fiés en étude de ligne sur cer­tains sites.

Dans cer­tains hôtels et foyers, il y a un contact direct avec des per­sonnes venues d'Italie, comme à Modane et Menton. Et les per­sonnes employées dans ces éta­blis­se­ments font sou­vent des allers-retours en Italie, ce qui aug­mente le risque de contagion.

Dans les hôtels et foyers, il n'y a aucune garan­tie que les femmes de ménage soient néga­tif au Coronavirus. Aucune garan­tie que les cou­verts type inox, les poi­gnets de portes, de fenêtre soient dés­in­fec­tés. Il n'y a pas d’espacement d’un mètre entre les chaises.

Dans les foyers de Valenton et Marseille, les sala­riés ont pu avoir des contacts avec des per­sonnes venues de par­tout. Parfois plus de 15 per­sonnes dans la même pièce.

Sur cer­tains tra­fics, les RHR sont trop longs (jusqu'à 40h), en confi­ne­ment sans aucun maga­sin pour pou­voir se res­tau­rer. Le chan­ge­ment au niveau des RHR influant aus­si sur la qua­li­té de som­meil des conduc­teurs qui se retrouvent à faire des trains dans un état de fatigue important.

Certains foyers ORFEA ne servent plus de petit déjeu­ner, ce qui pose évi­dem­ment un pro­blème pour les RHR. Les salles com­munes sont fermées.

Certains hôtels ferment ou sont réqui­si­tion­nés pour le per­son­nel soi­gnant. Les hôtels se trou­vant dans des zones à risques.

A Gudmont, depuis quelques temps, les CDL sont délo­ca­li­sés dans d’autres hôtels par les ORFEA. Des hôtels exo­tiques avec une hygiène dou­teuse. Ils sont donc tenus de véri­fier sys­té­ma­ti­que­ment où ils sont logés et éven­tuel­le­ment de deman­der un changement.

Les res­tau­rants étant fer­més, un sala­rié ne pou­vant plus y aller le midi a deman­dé à sa hié­rar­chie com­ment faire. On lui a répon­du d’aller en grande sur­face faire des courses. Outre les temps d'attente exor­bi­tants dans les grandes sur­faces, il y a sur­tout le risque de conta­mi­na­tion, les « gestes bar­rière » n’étant pas sou­vent respectés.

Des sala­riés de Miramas affec­tés au tra­fic de Vintimille ont expri­mé des craintes tout à fait légi­times, au vu de la proxi­mi­té avec une zone à haut risque, et demandent à évi­ter d'y être mis­sion­nés. L'aménagement du tra­fic pour une fin de mis­sion à Menton ne ras­sure pas : Menton ou Vintimille, il n'y a aucune garan­tie que les risques soient dif­fé­rents. Les OSS sont coin­cés dans un hôtel à Menton pen­dant plu­sieurs jours, et les res­tau­rants sont fer­més. Il y a juste un car­re­four Market à proxi­mi­té de l’hôtel, mais donc juste des « trucs à gri­gno­ter » : pas de repas. La voi­ture de ser­vice qui fait les allers/retours entre l'hôtel de Menton et Vintimille n'est pas dés­in­fec­tée. Un OSS était de retour de for­ma­tion plus tôt que pré­vu car il était impos­sible de se res­tau­rer sur place autre­ment que par sand­wich, ce qui a écour­té la formation.

A Tarascon, les OSS doivent effec­tuer des heures de pré­sence à Fibre Excellence à la jour­née, mais ils ne veulent pas for­cé­ment aller au sein de cette usine où il y a beau­coup de monde qui travaille.

Sur le site de Compiègne, les agents SMDO reçoivent par temps de pluie de l’eau pro­ve­nant des contai­ners de déchets ména­gers. Ils s’inquiètent de la pro­li­fé­ra­tion du virus dans les déchets, n’ayant aucune infor­ma­tion à ce sujet.

A Bellegarde éga­le­ment, les sala­riés sont expo­sés aux déchets ména­gers et craignent une conta­mi­na­tion pos­sible par d’éventuels mou­choirs de per­sonnes infec­tées jetés dans les pou­belles ména­gères. Ils sont à deux dans une cabine et sans aucune protection.

Les tra­fics qui vont vers l’Italie pré­sentent un risque consi­dé­rable de trans­mis­sion du virus. A Modane, les conduc­teurs uti­lisent par­fois les 27000 pour faire des manœuvres quand il est impos­sible de le faire avec les 36000. Ces mêmes 27000 cir­culent sur tout le ter­ri­toire en France. Il y a un risque d'effet boule de neige évident si un opé­ra­teur se fait contaminer.

La plu­part des sala­riés tra­vaillent sur des trains non essen­tiels aux besoins vitaux : il n'y a pas de tri entre les tra­fics indis­pen­sables et les tra­fics qui peuvent et doivent être sup­pri­més. Par exemple, à Chalons-en-Champagne, on trans­porte du sable et des cailloux vers Bantzenheim qui se situe à quelques kilo­mètres de Mulhouse (une zone à haut risque). Les conduc­teurs prennent inuti­le­ment des risques pour trans­por­ter des mar­chan­dises qui ne sont pas des den­rées de pre­mières nécessités.

A Tarascon éga­le­ment, les sala­riés se demandent pour­quoi le tra­fic Fibre excel­lence cir­cule tou­jours alors que ce sont des trains de bois ou de copeaux pour fabri­quer de la pâte à papier. Pour eux, ce n'est pas une matière indis­pen­sable à l’heure de cette crise sanitaire.

Ils com­prennent pour l’autre contrat, le Forwardis, parce que ce sont des pro­duits pétro­liers, du car­bu­rant, mais se demandent pour­quoi prendre ces risques.

Apparemment, une conduc­trice de Bordeaux a été mise en qua­tor­zaine par son méde­cin la semaine der­nière, parce qu’elle pré­sen­tait les symp­tômes du coro­na­vi­rus. Elle est en arrêt mala­die. Aucun test n’a été fait. On ne sait donc pas si elle a la mala­die ou non. Son com­pa­gnon conti­nue de conduire des trains depuis. Il croise des col­lègues aux relèves, qui montent dans la même machine, etc.

Actuellement, sur le site de Petroineos, un sala­rié serait en arrêt mala­die et confi­né chez lui mais n'a pas été dépis­té faute de tests de dépis­tage. Les sala­riés qui l'ont cotoyé craignent pour leur san­té et celle de leurs proches.

Il y aurait au moins deux autres arrêts mala­die à Tarascon et Ambérieu.

Nous regret­tons que la direc­tion ne juge pas utile de nous infor­mer de la situa­tion sani­taire au sein de l'entreprise, en répon­dant favo­ra­ble­ment à cette demande émise dans notre droit d'alerte.

De toutes ces remon­tées de ter­rain, un sen­ti­ment géné­ral émerge. Les sala­riés ont le sen­ti­ment que les wagons comptent plus que l’être humain, que le buis­ness prend le pas sur la san­té. Ils ont le sen­ti­ment d'être envoyés au casse-pipe, au front, en pre­mière ligne. La majo­ri­té le pense : « les cadres sont à la mai­son, et les ouvriers vont cho­per le virus ». Ils ne se sentent pas du tout pro­té­gés, et pas du tout consi­dé­rés. Le cli­mat anxio­gène ins­talle des condi­tions psy­cho­lo­giques déplo­rables dou­blée d'un sen­ti­ment de futi­li­té : les sala­riés ne trouvent aucun sens à faire des trains inutiles au vu de l'urgence sanitaire.

Nos reven­di­ca­tions

Face aux mul­tiples alertes répé­tées des sala­riés confron­tés à ces situa­tions, nous savons que la direc­tion a pris quelques mesures d'adaptation au cas par cas, au jour le jour. Mais au vu de la situa­tion sani­taire géné­rale, nous pen­sons qu'elles sont lar­ge­ment insuffisantes.

Conformément aux doléances des sala­riés, nous demandons :

- que soit mis à dis­po­si­tion de chaque sala­rié et sans inter­rup­tion un kit de pro­tec­tion indi­vi­duelle mini­mal com­po­sé de gants jetables, gel hydro­al­coo­lique, lin­gettes désinfectantes ;

- que la direc­tion sol­li­cite un ser­vice de net­toyage à vapeur sèche et de dés­in­fec­tion des postes de conduite après chaque uti­li­sa­tion d'une locomotive ;

- que des couvre-sièges en papier jetable soit mis à dis­po­si­tion de chaque conducteur ;

- que soient mis à dis­po­si­tion des pro­duits d'entretien sur chaque site et chaque engin moteur ;

- qu'une 27000 soit mise à dis­po­si­tion à Modane en lieu et place de la 36000, afin de limi­ter dras­ti­que­ment les risques de conta­mi­na­tion et faci­li­té la pos­si­bi­li­té de nettoyage ;

- que soit mis en place un point d'eau sur le site de Gudmont ;

- que soit mis en place le ren­voi d’appel pour les OSS de Tarascon, qui seront sur place en cas de besoin ;

- qu'une seule per­sonne maxi­mum soit sur un poste de conduite ou dans un véhi­cule de ser­vice : pas de sta­giaire en cabine, pas d'accompagnement, les OSS ne montent pas en cabine, les conduc­teurs se croisent à dis­tance hors de la cabine lors des relèves ;

- que soient mises à dis­po­si­tion des sala­riés des voi­tures de ser­vice ou de loca­tion, avec la garan­tie de la dés­in­fec­tion avant usage, pour rem­pla­cer tous les EV ;

- que les réser­va­tions se fassent dans les hôtels (type IBIS) sou­mis à de hautes exi­gences d'hygiène, plu­tôt que dans les Orfea ;

- que les réser­va­tions d'hôtels ne se fassent plus dans les zones à risque ;

- que, les res­tau­rants étant fer­més, soit mis à dis­po­si­tion de chaque sala­rié en RHR un panier repas com­plet pour chaque repas prévu.

- qu'à défaut des trois mesures pré­cé­dentes, les RHR soient supprimés.

- que les per­sonnes à risque selon les cri­tères du Haut Comité de Santé Publique ou sur avis du méde­cin soient mise en télé­tra­vail ou en arrêt ;

- que les plan­nings soient recon­fi­gu­rés de manière à sol­li­ci­ter le moins de per­son­nel possible ;

- que les plan­nings soient recon­fi­gu­rés pour limi­ter dras­ti­que­ment les RHR ;

- la mise à jour des docu­ments uniques d'évaluation des risques dans le cadre du CSE, confor­mé­ment à l'article R. 4121-2 du code du travail ;

- que, pour chaque sala­rié qui en fait la demande, soit accep­té le dépla­ce­ment de ses congés déjà posés sur une autre période à venir, pour cou­vrir la période de 14 jours, compte tenu des cir­cons­tances excep­tion­nelles, en appli­ca­tion de l’article L. 3141-16 du code du travail ;

- que soit fait un tri entre les trains inutiles et ceux répu­tés essen­tiels (non pas du point de vue de l'apport éco­no­mique pour l'entreprise, mais du point de vue de l'urgence sani­taire du pays) et que les trains inutiles soient suspendus.

- qu'en cas de recours au chô­mage par­tiel, dans le cadre du nou­veau dis­po­si­tif d'activité par­tielle qui entre­ra en vigueur dans les pro­chains jours, la direc­tion fasse le choix de ne pas limi­ter l'indemnisation des sala­riés à 70% du salaire brut mais de la fixer à 100%.

A défaut de ces mesures mini­males, nous deman­dons qu'un sala­rié sou­hai­tant se reti­rer de cette situa­tion de dan­ger à l'occasion du tra­vail puisse le faire sans subir ni rete­nue de salaire, ni sanc­tion. En effet, dans la situa­tion dra­ma­tique que nous vivons, nous deman­dons à la direc­tion de faire preuve d'humanité envers les sala­riés qui, la boule au ventre, ont été contraints de faire usage de leur droit de retrait.

Nous insis­tons sur le fait qu'il s'agit de mesures mini­males. Notre convic­tion pro­fonde est qu'il fau­drait en toute res­pon­sa­bi­li­té sup­pri­mer l'ensemble des tra­fics de VFLI jusqu'à nou­vel ordre, et sans aucun licen­cie­ment. D'une part, les mesures annon­cées par le gou­ver­ne­ment à des­ti­na­tion des entre­prises le per­mettent ample­ment ; et d'autre part, ce n'est pas à l'entreprise de déter­mi­ner quels sont les trains essen­tiels, mais à l’État. La direc­tion peut faire le choix de ne faire rou­ler que les trains qui auront fait l'objet d'une réqui­si­tion pré­fec­to­rale. Dans ce cas, et dans ce cas seule­ment, nous pou­vons consi­dé­rer qu'il s'agit de trains essen­tiels, néces­saires aux besoins sani­taires du moment. Mieux vaut une sus­pen­sion tem­po­raire des tra­fics et contri­buer à la lutte contre ce virus, que de prendre le risque de per­mettre sa cir­cu­la­tion. Un sala­rié de VFLI conta­mi­né serait un de trop.

Nous insis­tons éga­le­ment sur le fait que nous ne cédons pas à la panique, ni ne fai­sons dans la sur­en­chère : nous pre­nons seule­ment le risque sani­taire au sérieux et ne pre­nons pour bous­sole rien d'autre que la pré­ser­va­tion de la san­té de l'ensemble des sala­riés. A situa­tion excep­tion­nelle, mesures exceptionnelles.

Pour une direc­tion responsable

Nous rap­pe­lons à la direc­tion, aux repré­sen­tants du per­son­nel, aux sala­riés, que le même conseil scien­ti­fique qui oriente les déci­sions de l'Etat a par ailleurs pro­duit un ensemble de simu­la­tions dont a ren­du compte le jour­nal Le Monde, et qui, faute d'une connais­sance suf­fi­sante des contours de cette pan­dé­mie, devraient être prises en consi­dé­ra­tion dans les déci­sions de l'entreprise afin de ne pas transiger.

Nous rap­pe­lons éga­le­ment que la direc­tion n'est pas dans l'obligation de se conten­ter de suivre uni­que­ment les mesures prises par le gou­ver­ne­ment et la direc­tion du groupe SNCF : elle peut choi­sir d'être exem­plaire et d'aller plus loin dans la pro­tec­tion des sala­riés. Car selon nous, le gou­ver­ne­ment n'a pas pris la mesure de la crise sani­taire et a tar­dé à réagir for­te­ment, pré­fé­rant céder à l'attentisme et se repo­sant sur les com­por­te­ments indi­vi­duels. Le groupe SNCF a trop long­temps sem­blé com­plè­te­ment décon­nec­té de la réa­li­té : il a fal­lu une bataille de plu­sieurs jours des orga­ni­sa­tions syn­di­cales pour faire entendre rai­son à la direc­tion et que quelques mesures sérieuses de pro­tec­tion des sala­riés soient mises en œuvre, même si, pour l'heure, le compte n'y est tou­jours pas.

Nous pen­sons que prendre le pro­blème au sérieux, c'est mettre de côté les inté­rêts éco­no­miques de l'entreprise, qui seront de toutes façons pré­ser­vés par les mesures éta­tiques annon­cées, et « inves­tir » avant tout dans l'intégrité sani­taire des sala­riés. Ce qui signi­fie que, dans son obli­ga­tion de résul­tats en matière de sécu­ri­té, la direc­tion se doit d'anticiper. Elle doit notam­ment anti­ci­per la pro­bable deuxième vague de conta­mi­na­tion annon­cée par les scien­ti­fiques, la pous­sée conti­nue de la pro­pa­ga­tion, la période d'incubation de 14 jours, le fait que nous sommes tous por­teurs poten­tiels de la mala­die sans for­cé­ment la décla­rer, et que nous sommes peut-être des trans­met­teurs de pre­mier plan du virus à nos proches, à nos familles, à nos col­lègues. Contribuer à « l'effort pour la Nation », c'est contri­buer à résor­ber la pro­pa­ga­tion du virus, donc s'interdire de prendre le moindre risque de pro­pa­ga­tion, et donc don­ner prio­ri­té à la pré­ven­tion maxi­male. Ce n'est pas de conti­nuer à obli­ger les sala­riés d'aller au front, ce qui serait pro­pre­ment irresponsable.

L’objet de nos demandes n’est pas des­ti­né à mettre en péril l’économie de l’entreprise mais uni­que­ment de prendre toutes les mesures néces­saires pour veiller à la sécu­ri­té de l’ensemble des sala­riés de VFLI. Nous vous rap­pe­lons que ces der­niers jours le virus se pro­page de manière expo­nen­tielle. Pour rap­pel, 1404 cas et 69 décès sup­plé­men­taires ont été recen­sés en l’espace de 24 heures seulement.

Nous espé­rons vive­ment que la direc­tion sau­ra ne pas se rendre cou­pable d'une faute inexcusable.

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