Le droit de retrait
12 avril 2020
Sommaire
1. A quelles condi­tions peut-on exer­cer son droit de retrait ?
2. Comment s'exerce le droit de retrait ?
3. Quelles sont les consé­quences de l'usage du droit de retrait ?
Le droit de retrait est un droit dont dis­pose chaque salariéE de l'entreprise. Il per­met à unE salariéE de, tem­po­rai­re­ment, quit­ter son poste de tra­vail ou refu­ser de s'y ins­tal­ler, sans l'accord de l'employeur. Voici tout ce qu'il faut savoir sur ce droit. 

Le droit de retrait est essen­tiel­le­ment fon­dé par l'Article L. 4131-1 du code du tra­vail :

« Le tra­vailleur alerte immé­dia­te­ment l'employeur de toute situa­tion de tra­vail dont il a un motif rai­son­nable de pen­ser qu'elle pré­sente un dan­ger grave et immi­nent pour sa vie ou sa san­té ain­si que de toute défec­tuo­si­té qu'il constate dans les sys­tèmes de protection.

Il peut se reti­rer d'une telle situation.

L'employeur ne peut deman­der au tra­vailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son acti­vi­té dans une situa­tion de tra­vail où per­siste un dan­ger grave et immi­nent résul­tant notam­ment d'une défec­tuo­si­té du sys­tème de protection ».

Si ce droit peut s'exercer par toutE salariéE en pré­sence d'un dan­ger réel immi­nent, sus­cep­tible de por­ter atteinte à sa san­té ou à sa vie, il n'en demeure pas moins qu'il ne sau­rait s'exercer comme on le veut et où on le veut, sans res­pec­ter un mini­mum de condi­tions requises par les dis­po­si­tions du code du tra­vail. Autrement dit, ces condi­tions doivent être réunies si le ou la salariéE ne veut pas voir se retour­ner contre elle ou lui une mesure pré­vue à l'origine pour sa protection.

A quelles condi­tions peut-on exer­cer son droit de retrait ?

A l'évidence, tout d'abord, si le droit de retrait s'exerce libre­ment, il ne peut s'exercer que pen­dant une période d'exécution nor­male du contrat de tra­vail : il ne peut être uti­li­sé au cours d'un arrêt de tra­vail (acci­dent du tra­vail, arrêt mala­die, tout type de congés, grève, etc.) pen­dant lequel le contrat de tra­vail est suspendu.

Ensuite, selon l'Article L. 4132-1 du code du tra­vail,

« le droit de retrait est exer­cé de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nou­velle situa­tion de dan­ger grave et immi­nent ».

Cela signi­fie que le ou la salariéE doit veiller à ne pas expo­ser une autre per­sonne à un dan­ger grave et immi­nent sup­plé­men­taire en stop­pant son acti­vi­té en ver­tu de son droit de retrait. Si l'exercice du droit de retrait cause un risque dont est vic­time une per­sonne, le ou la salariéE qui se sera retiréE de son poste de tra­vail aura man­qué à ses obli­ga­tions et com­mis une faute tant civile que pénale.

Enfin, confor­mé­ment à un arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 26 février 1996, le dan­ger ne doit pas être inhé­rent à la fonc­tion. Il doit être anor­mal eu égard aux usages de la pro­fes­sion. Ainsi, par exemple, le seul fait pour unE salariéE d'être conduc­teur ou conduc­trice de train ne sau­rait consti­tuer un risque, ni un motif rai­son­nable de nature à lui per­mettre d'invoquer les dis­po­si­tions rela­tives au droit de retrait, quand bien même les risques notam­ment de déraille­ment, nez-à-nez, prise en écharpe, rat­tra­page ou d'obstacle sont des dan­gers réels ; de même, par exemple, qu'un opé­ra­teur sécu­ri­té au sol ne peut invo­quer le droit de retrait à l'approche d'un wagon nor­mal de matières dan­ge­reuses lors d'une recon­nais­sance de l'aptitude au trans­port (RAT), quand bien même les matières dan­ge­reuses sont par défi­ni­tion... dangereuses.

A par­tir de là, le droit de retrait peut s'exercer à deux conditions :

  • si la situa­tion de tra­vail pré­sente un dan­ger grave et immi­nent pour sa vie ou sa san­té (durées légales de tra­vail non res­pec­tées, risque de contrac­ter une mala­die – poste de tra­vail non chauf­fé, absence de moyens de pro­tec­tion col­lec­tive ou indi­vi­duelle contre un pro­duit ou un virus, etc. – ou de subir un acci­dent grave, voire mor­tel – risque d'agression, de chute, d'électrocution, maté­riel non conforme, etc.) ;
  • ou si on constate une défec­tuo­si­té dans les sys­tèmes de pro­tec­tion ou de sécu­ri­té (défaillance d'un dis­po­si­tif de sécu­ri­té d'une loco­mo­tive ou sur un wagon de matières dan­ge­reuses, d'un sys­tème de frei­nage, etc.).

Un dan­ger est « grave » s'il repré­sente une menace pour la vie ou la san­té du tra­vailleur ou de la tra­vailleuse. Selon la cir­cu­laire du Ministère du Travail du 25 mars 1993, il s'agit d'un « dan­ger sus­cep­tible de pro­duire un acci­dent ou une mala­die entraî­nant la mort ou parais­sant devoir entraî­ner une inca­pa­ci­té per­ma­nente ou tem­po­raire pro­lon­gée ». Et un dan­ger est « immi­nent » si le risque peut sur­ve­nir immé­dia­te­ment ou dans un délai proche. Il s'agit d'un « dan­ger sus­cep­tible de se réa­li­ser bru­ta­le­ment et dans un délai rap­pro­ché ».

Il y a donc dan­ger grave et immi­nent lorsqu'on est en pré­sence d'une menace de nature à pro­vo­quer une atteinte sérieuse à son inté­gri­té phy­sique : il importe peu que le dom­mage se réa­lise en un ins­tant ou pro­gres­si­ve­ment, du moment qu'il puisse être envi­sa­gé dans un délai proche. Un dan­ger loin­tain ne sau­rait jus­ti­fier l'exercice d'un droit de retrait, même si ce dan­ger pour­rait être grave pour la san­té ou la vie du ou de la salariéE. La notion de dan­ger grave et immi­nent concerne plus sou­vent les risques d'accidents, puisque l'accident est dû à une action sou­daine entraî­nant une lésion au corps humain. Quant aux mala­dies, elles sont le plus sou­vent consé­cu­tives à une série d'événements à évo­lu­tion lente. Cependant, la vitesse de réa­li­sa­tion du dom­mage importe peu. Que le dom­mage se réa­lise pro­gres­si­ve­ment ou ins­tan­ta­né­ment, le risque proche d'une dégra­da­tion de la san­té du ou de la salariéE consti­tue un dan­ger grave et immi­nent [1].

Un dan­ger peut pro­ve­nir aus­si bien d'une machine, d'un pro­ces­sus de fabri­ca­tion, que d'une ambiance ou d'un envi­ron­ne­ment de tra­vail. Les causes sont indé­fi­nies. C'est au salariéE d'apprécier au regard de ses com­pé­tences, de ses connais­sances et de son expé­rience si la situa­tion pré­sente pour elle ou lui un dan­ger grave et immi­nent pour sa vie ou sa san­té. Il ou elle n'a pas à prou­ver qu'il y a bien un dan­ger, mais doit se sen­tir poten­tiel­le­ment menacéE par un risque de bles­sure, d'accident ou de maladie.

 L'Article L. 4131-1 du code du tra­vail parle d'un « motif rai­son­nable » qui laisse pen­ser que le ou la salariéE est exposéE à un tel dan­ger. Il est donc admis qu'il ou elle puisse se trom­per dans l'estimation du dan­ger, à condi­tion que son erreur repose sur une base rai­son­nable. A défaut, l'exercice du droit de retrait serait jugé abusif.

Les salariéEs ont donc un pou­voir d'appréciation quasi-souverain. Cette appré­cia­tion sub­jec­tive est le fon­de­ment de l'exercice du droit de retrait, indé­pen­dam­ment de l'existence réelle d'une situa­tion de dan­ger grave et immi­nent. Le bien-fondé de l'appréciation du « motif rai­son­nable de pen­ser » relève de l'appréciation sou­ve­raine des juges du fond et non de l'employeur. Ce pou­voir d'appréciation quasi-souverain per­met à toutE salariéE, lorsqu'il ou elle estime sub­jec­ti­ve­ment se trou­ver dans une situa­tion de tra­vail déter­mi­née pou­vant avoir des consé­quences sur sa san­té ou sa vie, d'alerter dans les meilleurs délais l'employeur et de se reti­rer de cette situa­tion jusqu'à dis­pa­ri­tion de tout risque pour sa san­té ou sa vie. Ce dan­ger doit être sus­cep­tible de por­ter atteinte à sa san­té ou à sa vie elle-même, ce qui signi­fie que ce dan­ger ne peut en aucun cas être hypo­thé­tique ou théorique.

Comme tout pou­voir, le droit de retrait a ses limites et sa contre­par­tie. Le ou la salariéE sup­porte seulE les consé­quences d'une mau­vaise appré­cia­tion par lui ou elle de la situa­tion dite dangereuse.

Cela signi­fie que l'exercice de ce droit de retrait n'est pas sans risque. Il convient en effet de faire preuve de vigi­lance dans l'appréciation du dan­ger lui-même et des condi­tions dans les­quelles on exerce son droit de retrait, même en pré­sence d'un dan­ger réel.

Comment s'exerce le droit de retrait ?

Le droit de retrait néces­site que soit mise en œuvre, préa­la­ble­ment ou simul­ta­né­ment, la pro­cé­dure d'alerte de l'employeur. ToutE salariéE doit signa­ler immé­dia­te­ment à son employeur une situa­tion de dan­ger qu'il ou elle constate, que ce dan­ger concerne seule­ment ce ou cette salariéE ou d'autres salariéEs. Il s'agit d'un devoir d'alerte, d'une obli­ga­tion. A défaut de dénon­cia­tion du risque à l'employeur, l'absence du ou de la salariéE pour­ra être consi­dé­rée comme injus­ti­fiée. L'employeur, ou son repré­sen­tant légal, est donc des­ti­na­taire obli­ga­toire de l'alerte. Par « employeur », il faut entendre la per­sonne sous la subor­di­na­tion de laquelle le ou la salariéE se trouve pour l'exécution de son tra­vail et qui dis­pose de l'autorité néces­saire pour prendre la déci­sion adap­tée pour remé­dier à la situa­tion : le supé­rieur hié­rar­chique, ou à défaut, le PC Captrain. Mais le ou la salariéE en dan­ger peut par­fai­te­ment faire le choix d'alerter plu­tôt unE représentantE du per­son­nel (représentantE de proxi­mi­té ou membre du CSE), qui se char­ge­ra d'alerter l'employeur confor­mé­ment à l'Article L.4131-2 du code du tra­vail.

Il n'y a aucun for­ma­lisme par­ti­cu­lier en ce qui concerne l'exercice pra­tique du droit de retrait. Toute impo­si­tion d'un quel­conque for­ma­lisme par­ti­cu­lier, dans un règle­ment inté­rieur par exemple, se heur­te­rait par défi­ni­tion aux dis­po­si­tions des articles L. 4131-1 et sui­vants du code du tra­vail. Celui-ci n'exige pas du ou de la salariéE qu'il ou elle signale le risque à son employeur par écrit. Ainsi, le retrait peut vala­ble­ment inter­ve­nir à la suite d'une alerte don­née à l'employeur par tous moyens, y com­pris ver­ba­le­ment (par télé­phone, par exemple), direc­te­ment par le ou la salariéE ou par l'intermédiaire d'unE représentantE du per­son­nel. Toutefois, après avoir aler­té l'employeur, si le ou la salariéE décide d'exercer son droit de retrait, il est vive­ment recom­man­dé d'envoyer tout de même un écrit (un mail), à des­ti­na­tion de l'employeur ET d'unE représentantE du per­son­nel, indi­quant le début et le motif du retrait, puis un autre, après avoir exer­cé son droit, indi­quant la reprise du tra­vail. Ces écrits pour­ront si besoin ser­vir la défense du ou de la salariéE.

Après avoir accom­pli – ou en accom­plis­sant – son devoir d'alerte, le ou la salariéE peut donc se reti­rer d'une situa­tion dan­ge­reuse jusqu'à dis­pa­ri­tion du dan­ger, sans l'autorisation de l'employeur. Autrement dit, l'alerte peut s'accompagner d'un retrait de son poste de tra­vail s'il ou elle s'estime exposéE à un dan­ger grave et immi­nent mena­çant sa vie ou sa san­té. L'exercice du droit de retrait se fait donc tout sim­ple­ment en stop­pant l'exécution de ses tâches contrac­tuelles ; soit en quit­tant son poste de tra­vail, soit en refu­sant de s'y ins­tal­ler, selon la situa­tion et la nature du dan­ger. Les acti­vi­tés sont inter­rom­pues tant que l'employeur n'a pas mis en place les mesures de pré­ven­tion adap­tées à la dis­pa­ri­tion du dan­ger. Cela peut prendre aus­si bien quelques minutes que plu­sieurs jours... Toujours est-il que, selon la cir­cu­laire du Ministère du Travail du 25 mars 1993, le droit de retrait n'est qu'une facul­té : en aucun cas il ne peut être repro­ché à unE salariéE vic­time d'un acci­dent du tra­vail de ne pas s'être retiréE d'une situa­tion de tra­vail qui s'est révé­lée dangereuse.

En ver­tu de l'Article L. 4131-1 du code du tra­vail, l'employeur a inter­dic­tion de deman­der au salariéE qui fait usage de son droit de retrait de reprendre son acti­vi­té dans une situa­tion de tra­vail où per­siste un dan­ger grave et immi­nent. Selon l'Article L. 4132-5 du code du tra­vail, dès lors que le ou la salariéE a appré­cié « sou­ve­rai­ne­ment » et sub­jec­ti­ve­ment cette notion du dan­ger et a exer­cé son droit de retrait, l'employeur doit prendre les mesures et don­ner les ins­truc­tions néces­saires pour per­mettre aux salariéEs, en cas de dan­ger grave, immi­nent et inévi­table, d'arrêter leur acti­vi­té et de se mettre en sécu­ri­té en quit­tant immé­dia­te­ment le lieu de travail.

L'employeur peut tou­te­fois, s'il a recours à une solu­tion, don­ner des ins­truc­tions per­met­tant aux salariéEs de pour­suivre leur mis­sion en dehors de tout dan­ger. Si le ou la salariéE estime que cette solu­tion per­met effec­ti­ve­ment la dis­pa­ri­tion du dan­ger grave et immi­nent dans sa situa­tion de tra­vail, il ou elle est dans l'obligation de reprendre immé­dia­te­ment le tra­vail. Dans tous les cas, les mesures prises concer­nant la sécu­ri­té, l'hygiène et la san­té au tra­vail, et des­ti­nées en l'occurrence à faire dis­pa­raître un dan­ger, ne doivent en aucun cas entraî­ner des charges finan­cières pour les salariéEs.

Si l'employeur ne recon­naît pas la situa­tion de dan­ger grave et immi­nent dont il a été aler­té, ou pro­pose une solu­tion dont le ou la salariéE estime qu'elle ne fait aucu­ne­ment dis­pa­raître le dan­ger grave et immi­nent ou en crée un autre, le ou la salariéE est en droit de main­te­nir l'exercice de son droit de retrait tant qu'il ou elle a un motif rai­son­nable de pen­ser sa vie ou sa san­té en dan­ger. Seul le juge du fond, et non l'employeur, pour­ra déter­mi­ner la réa­li­té du motif rai­son­nable. Dans ce genre de cas, il est vive­ment recom­man­dé d'alerter immé­dia­te­ment unE représentantE du personnel.

Dans la mesure où un dan­ger peut être indi­vi­duel ou col­lec­tif (une situa­tion de dan­ger mena­çant plu­sieurs per­sonnes), rien ne s'oppose à ce que le droit de retrait soit exer­cé col­lec­ti­ve­ment. L'Article 4131-3 du code du tra­vail recon­naît le même droit de retrait à tout groupe de salariéEs qui a un motif rai­son­nable de pen­ser que la situa­tion de tra­vail pré­sente un dan­ger grave et immi­nent pour la vie ou la san­té de chacunE d'entre elles ou eux. En revanche, ce droit de retrait col­lec­tif n'est valable que si, d'une part, chacunE des salariéEs, indi­vi­duel­le­ment, se croit effec­ti­ve­ment menacéE par un dan­ger grave et immi­nent, et si, d'autre part, chaque salariéE informe indi­vi­duel­le­ment son employeur qu'il ou elle se retire de la situa­tion de tra­vail dangereuse.

Le droit de retrait étant indi­vi­duel, la légi­ti­mi­té de son uti­li­sa­tion s’apprécie tou­jours au cas par cas, situa­tion par situa­tion, salariéE par salariéE, en fonc­tion de sa situa­tion pro­fes­sion­nelle (poste occu­pé, condi­tions de tra­vail, etc.) et éven­tuel­le­ment de sa situa­tion per­son­nelle (son état de san­té per­son­nel, voire celui de ses proches, même si en prin­cipe le droit de retrait doit concer­ner le ou la salariéE lui-même ou elle-même). Relevant de l’initiative per­son­nelle du ou de la salariéE, l'exercice col­lec­tif d'un droit de retrait ne peut se sub­sti­tuer à une action col­lec­tive telle que le droit de grève. Il ne peut s'apparenter à l'exercice d'un droit de grève pour l'amélioration des condi­tions de tra­vail, et ce même en cas de ces­sa­tion concer­tée du travail.

Le Comité Social et Économique (CSE) peut être avi­sé, via unE éluE, par le, la ou les salariéEs exer­çant le droit de retrait. Dans ce cas, il peut user si besoin des pou­voirs qui lui sont confé­rés dans cette situa­tion : droit d'alerte, enquête conjointe avec l'employeur, sai­sie de l'inspection du tra­vail, etc. En tout cas, l'exercice par unE salariéE de son droit de retrait n'est pas subor­don­né à la pro­cé­dure d'intervention du CSE. La pré­sence dans l'entreprise d'un CSE ne sau­rait pri­ver le ou la salariéE de son droit de retrait, qui relève de son ini­tia­tive personnelle.

Quelles sont les consé­quences de l'usage du droit de retrait ?

L'article L. 4131-3 du code du tra­vail inter­dit à l'employeur d'effectuer la moindre rete­nue sur salaire ou de sanc­tion­ner unE salariéE ou un groupe de salariéE qui a exer­cé son droit de retrait de manière légitime : 

« Aucune sanc­tion, aucune rete­nue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un tra­vailleur ou d'un groupe de tra­vailleurs qui se sont reti­rés d'une situa­tion de tra­vail dont ils avaient un motif rai­son­nable de pen­ser qu'elle pré­sen­tait un dan­ger grave et immi­nent pour la vie ou pour la san­té de cha­cun d'eux ».

Le ou la salariéE a donc droit, dans le prin­cipe, au paie­ment des heures ou des jours non tra­vaillés jusqu'à la dis­pa­ri­tion du dan­ger. La vio­la­tion par l'employeur de cette dis­po­si­tion est sévè­re­ment sanc­tion­née. Dès lors que le, la ou les salariéEs ont eu un « motif rai­son­nable » de se croire menacéEs par un dan­ger grave et immi­nent, il ne pour­ra en aucune manière leur être repro­ché de s'être retiréEs de cette situation.

Mais dans les faits, cer­tains employeurs ne res­pectent pas cette dis­po­si­tion du code du tra­vail. Ils pré­fèrent y déro­ger en effec­tuant des rete­nues sur salaire cor­res­pon­dant aux jour­nées de ser­vice concer­nées par le retrait. Cette pra­tique impose aux salariéEs de s'engager dans une pro­cé­dure aux prud'hommes pour récu­pé­rer ce qui leur est dû. Une faible pro­por­tion de salariéEs s'y résolvent effec­ti­ve­ment, découragéEs d'avance par la lour­deur admi­nis­tra­tive ; ce qui conforte les employeurs dans de telles pra­tiques illé­gales. Il est donc impor­tant de faire preuve de déter­mi­na­tion et de patience en enga­geant ces pro­cé­dures afin de faire sanc­tion­ner ces employeurs et les contraindre à res­pec­ter la loi.

L'exercice du droit de retrait dif­fère du droit de grève en ce sens notam­ment qu'il ne donne pas lieu à une rete­nue sur salaire ; mais il dif­fère éga­le­ment de la prise d'acte de rup­ture en ce sens qu'il est par nature pro­vi­soire, et non pas une ces­sa­tion défi­ni­tive du tra­vail. Cela signi­fie que lorsque le ou la salariéE constate un dan­ger grave et immi­nent, alerte son employeur et se retire, il ou elle se doit, lorsque l'employeur a mis en œuvre tous les moyens pour faire dis­pa­raître le dan­ger invo­qué, de reprendre le tra­vail sur demande de l'employeur.

Autrement dit, si le ou la salariéE a un pou­voir dis­cré­tion­naire pour déci­der d'arrêter de tra­vailler, ce pou­voir n'existe pas dans l'autre sens, à savoir de déci­der libre­ment s'il ou elle doit reprendre le tra­vail ou non, dès lors que le dan­ger a dis­pa­ru. En cas de non reprise du tra­vail alors que le dan­ger grave et immi­nent a dis­pa­ru, il ou elle peut être sanctionnéE, notam­ment pour aban­don de poste. L'employeur pour­ra en effet enclen­cher une pro­cé­dure de sanc­tion dis­ci­pli­naire pou­vant aller jusqu'au licen­cie­ment pour faute grave, dans la mesure où l'abandon de poste est sanc­tion­né judi­ciai­re­ment par un licen­cie­ment fon­dé sur la faute grave.

UnE salariéE peut aus­si être sanctionnéE en cas de mau­vaise appré­cia­tion du dan­ger. C'est là que se situe toute la dif­fi­cul­té de recou­rir à l'usage du droit de retrait dans cer­taines situa­tions. En effet, si le ou la salariéE dis­pose d'un pou­voir d'appréciation quasi-souverain, l'employeur a en revanche les droits et les pou­voirs de véri­fier les dires, les conclu­sions ou l'appréciation du ou de la salariéE. Il peut inter­ve­nir si besoin et éven­tuel­le­ment contes­ter lorsqu'il estime que le dan­ger ne pré­sente pas de carac­tère grave et immi­nent. Cette contes­ta­tion de l'employeur se fait en pra­tique immé­dia­te­ment, après récep­tion de l'alerte, dans un échange avec le, la ou les salariéEs concernéEs ; puis, si le désac­cord per­siste, elle se tra­duit géné­ra­le­ment par une rete­nue sur salaire et éven­tuel­le­ment une sanc­tion (aver­tis­se­ment, mise à pied, voire licen­cie­ment). Si la ou le salariéE estime qu'il y avait bel et bien dan­ger grave et immi­nent, il ou elle doit sai­sir le Conseil des Prud'hommes. Le juge éta­bli­ra s'il y avait un motif rai­son­nable : le cas échéant, le ou la salariéE ver­ra la sanc­tion annu­lée et / ou se fera dédom­ma­ger de la rete­nue sur salaire ; dans le cas contraire, la rete­nue et / ou la sanc­tion seront confirmées.

S'il est démon­tré que le dan­ger n'est pas carac­té­ri­sé et ne consti­tue pas une véri­table menace sur la vie ou la san­té du ou de la salariéE d'une part, ou n'est pas immi­nent d'autre part, ce ou cette dernierE se retrou­ve­rait donc dans une situa­tion plus que déli­cate puisqu'il ou elle n'avait pas la pos­si­bi­li­té, dans cette hypo­thèse, d'exercer léga­le­ment et sans risque son droit de retrait. C'est pour­quoi il est impor­tant de gar­der à l'esprit les cri­tères du dan­ger grave et immi­nent, seuls à même de consti­tuer un motif rai­son­nable d'exercice du droit de retrait.

En somme, lorsque les condi­tions du droit de retrait ne sont pas réunies, le ou la salariéE s'expose à des rete­nues sur salaire et des sanc­tions, voire à un licen­cie­ment. La rete­nue sur salaire due à l'exercice non jus­ti­fié du droit de retrait n'est pas une sanc­tion pécu­niaire pro­hi­bée, mais la simple contre­par­tie de l'absence de four­ni­ture de tra­vail. En aucun cas le mon­tant de la rete­nue ne peut dépas­ser celui cou­vrant la période de retrait consi­dé­rée. L'exercice non fon­dé du droit de retrait, en tant qu'erreur d'appréciation, ne carac­té­rise pas une faute grave, mais consti­tue néan­moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Du côté employeur, lorsqu'unE salariéE alerte son employeur de l'existence d'un dan­ger grave et immi­nent, et que celui-ci ne réagit pas, cet employeur peut, en pre­mier lieu, voir sa res­pon­sa­bi­li­té pénale enga­gée. La res­pon­sa­bi­li­té pénale peut être mise en cause sur le fon­de­ment de l'Article 121-3 du code pénal (mise en dan­ger déli­bé­rée de la per­sonne d'autrui). En cas d'accident ou de mala­die au tra­vail liés à la situa­tion qui a fait l'objet d'une alerte, l'employeur se rend ain­si cou­pable d'une faute inex­cu­sable. Selon l'Article 4131-4 du code du tra­vail :

« Le béné­fice de la faute inex­cu­sable de l'employeur pré­vue à l'Article L.452-1 du code de la sécu­ri­té sociale est de droit pour le ou les salariéEs qui seraient vic­times d'un acci­dent du tra­vail ou d'une mala­die pro­fes­sion­nelle alors qu'eux-mêmes ou unE représentantE du per­son­nel au CSE avaient signa­lé à l'employeur le risque qui s'est maté­ria­li­sé ».

En géné­ral, la vic­time est lar­ge­ment dédom­ma­gée et l'employeur lour­de­ment sanctionné.

*Article modi­fié le 01/01/2021 : Suite au chan­ge­ment de nom de l'entreprise au 01/01/2021, les occur­rences de "VFLI" ont été rem­pla­cées par "Captrain".

[1] Dans le cas d'une pan­dé­mie tel que le Covid-19 par exemple, à défaut de mise à dis­po­si­tion de moyens de pro­tec­tion indi­vi­duelle, et à défaut du res­pect des recom­man­da­tions du gou­ver­ne­ment, il y a bel et bien dan­ger grave et immi­nent. Le ou la salariéE peut exer­cer son droit de retrait jusqu'à ce que celles-ci soient mises en œuvre.

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L’accord d'accompagnement à la mobilité

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Depuis le 1er jan­vier 2022, un nou­vel accord d’entreprise est entré en vigueur chez Captrain France. Il concerne l’accompagnement à la mobi­li­té géo­gra­phique. Dans un monde fer­ro­viaire sou­mis à la concur­rence for­cée, et donc à la pré­ca­ri­té des contrats, la mobi­li­té toute France impo­sée est une consé­quence vouée à s’accroître, avec toutes les contraintes qu’elle implique sur la vie des salariéEs concernéEs. Cet accord apporte quelques garan­ties sociales pour faire face à ces situations.

Le droit aux congés payés annuels

Le droit aux congés payés annuels

L’Article L. 3141-1 du code du tra­vail pré­voit que « tout sala­rié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur ». Mais com­bien ? Quand ? Comment ? Voici tout ce qu’il faut savoir sur ce droit aux congés payés annuels chez Captrain France.

Le droit d’accès au dossier professionnel

Le droit d’accès au dossier professionnel

A l'heure où le numé­rique devient l'outil domi­nant d'organisation de nos socié­tés, la pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles devient un enjeu essen­tiel pour pré­ser­ver cer­taines de nos liber­tés fon­da­men­tales. Dans le monde du tra­vail, l'accès au dos­sier pro­fes­sion­nel fait par­tie de ses enjeux.

Protocole congés 2021 : Déclaration de la délégation SUD-Rail

Protocole congés 2021 : Déclaration de la délégation SUD-Rail

Ce 25 février 2021 se tenait une réunion ordi­naire du CSE de Captrain France. Suite à l'entrée en vigueur du pro­to­cole congés 2021, qui a fait l'objet d'un tract SUD-Rail, voi­ci la décla­ra­tion de la délé­ga­tion des éluEs SUD-Rail au CSE, qui a été lue en séance et qui sera annexée au pro­cès verbal.

Vers la fin de l’intéressement ?

Vers la fin de l’intéressement ?

Actuellement se tiennent dans l'entreprise des négo­cia­tions entre la direc­tion et les orga­ni­sa­tions syn­di­cales concer­nant un nou­vel accord d'intéressement. Au-delà du fait que l'intéressement est par défi­ni­tion syno­nyme de salaire et de droits sociaux en moins, la direc­tion veut trans­for­mer radi­ca­le­ment les accords pré­cé­dents, de sorte que les éven­tuels inté­res­se­ments futurs seraient réduits à peau de cha­grin. Explications.

Le droit de pause

Le droit de pause

Certains droits sala­riaux sont impor­tants du fait de leur intri­ca­tion avec les ques­tions de sécu­ri­té, en par­ti­cu­lier dans le monde fer­ro­viaire. Et pour­tant ils ne sont habi­tuel­le­ment que trop peu sou­vent exer­cés, parce que mécon­nus. C'est le cas notam­ment du droit de pause. Voici ce qu'il faut savoir sur ce droit.

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