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Le droit de grève ne s'applique pas de la même manière pour touTEs les travailleuses et travailleurs du chemin de fer. Pour certaines entreprises ferroviaires privées, l'usage de ce droit est beaucoup plus simple et accessible. Voici l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur le droit de grève chez Captrain France.
Dans le monde du travail ferroviaire, le droit de grève est régi par des règles différentes selon qu'il s'agisse, d'une part, du secteur public ou du secteur privé, et d'autre part, au sein même du secteur privé, selon qu'il s'agisse d'entreprises chargées de la gestion d'un service public de transport de voyageurs ou non. En tant que filiale SNCF de droit privé, dont les activités sont concentrées pour l'essentiel sur le Fret ferroviaire, Captrain France relève d'une part du secteur privé et n'est d'autre part aucunement chargée de la gestion d'un service public de transport de voyageurs. Les règles qui sont appliquées à ses salariéEs en matière de droit de grève sont donc celles qui régissent le secteur privé en général.
En droit, une grève est « la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ». C'est à partir de cette définition que sont fixées les conditions de la légalité d'une grève.
Qui peut faire grève ?
Le droit de grève est un droit reconnu à chaque salariéE de l'entreprise. TouTEs les salariéEs de l'entreprise peuvent donc utiliser leur droit de grève.
Il s'agit d'un droit individuel mais qui s'exerce collectivement. Autrement dit, une grève est obligatoirement suivie par au moins 2 salariéEs. Il n'est pas du tout nécessaire que touTEs les salariéEs ou même la majorité des salariéEs de l'entreprise participent à la grève : deux salariéEs suffisent pour satisfaire au critère collectif.
UnE salariéE peut toutefois faire grève seulE, à condition de s'inscrire dans un appel à la grève lancé au niveau national par des confédérations ou fédérations syndicales nationales en contestation de décisions gouvernementales.
Reste que, pour des raisons évidentes, un mouvement de grève ne présente de réel intérêt que s'il a un impact avéré (sur la production et l'économie d'un site ou de l'entreprise, ou médiatiquement), ce qui suppose l'implication d'un nombre conséquent de salariéEs. Cela dit, même un appel à la grève très peu suivi ou un faible nombre de grévistes peut avoir un intérêt dans la construction à moyen ou long terme d'un rapport de force de salariéEs organiséEs dans l'entreprise.
Quelles sont les conditions d'une grève ?
Pour être légalement reconnue comme telle, la grève doit réunir des conditions déterminées :
1/ Elle doit consister en un arrêt total du travail.
Un mouvement qui s'attache à effectuer le travail au ralenti, ou seulement en partie, ou dans des conditions volontairement défectueuses, est illicite.
2/ Elle doit consister en un arrêt collectif du travail par l'ensemble des salariéEs grévistes.
Les grévistes doivent s'être concertéEs, c'est-à-dire partager l'initiative de l'arrêt total du travail et ses motifs, se reconnaître dans ce mode d'action, et la mener ensemble. Autrement dit, les actions individuelles successives menant au blocage de l'entreprise sans arrêt collectif et concerté du travail sont illicites.
Au-delà d'au moins deux grévistes, il n'est pas nécessaire d'avoir participé au lancement de l'initiative, à la prise de décision ni à l'élaboration des motifs : il suffit d'avoir pris connaissance de l'information pour rejoindre un mouvement de grève et s'y associer [1].
3/ Elle doit porter des revendications professionnelles.
Les revendications professionnelles concernent aussi bien les salaires et toutes leurs composantes (primes, cotisations, etc.), les conditions de travail (propres à l'entreprise ou environnementales), le temps de travail, les droits syndicaux, que les stratégies adoptées par l'entreprise (défense de l'emploi contre plan de restructuration, licenciements économiques, etc.).
Les grèves limitées à une seule obligation particulière du contrat de travail des salariéEs (sur le dédit de formation par exemple) sont donc illicites, tout comme les grèves fondées uniquement sur des motifs politiques.
La détermination du caractère professionnel des revendications est assez délicate lorsqu'il s'agit d'une grève de solidarité ou d'une grève à caractère politique. Dans le cas de la grève de solidarité, c'est au regard de son but que la légitimité de la grève est appréciée : si cette solidarité manifeste une revendication d'ordre professionnel et collectif, la grève est admise. Dans le cas de la grève politique – qui a pour but d'affirmer une position politique –, la distinction entre celle-ci et la grève professionnelle, lorsque le mouvement se situe sur le plan national et interprofessionnel, est assez mince. Mais, par exemple, constitue tout à fait une revendication à caractère professionnel une cessation concertée et collective du travail en vue de soutenir un mot d'ordre national pour la défense des retraites, car un système de retraites imbrique des enjeux liés aux salaires, aux cotisations, aux conditions de travail, au temps de travail, etc.
Ainsi, les trois conditions ci-dessus doivent déjà être réunies pour garantir la validité d'une grève. Si l'une de ces conditions vient à manquer, il n'y a pas grève ou exercice normal du droit de grève, mais mouvement illicite. Or, toutE salariéE participant à un mouvement illicite n'est pas protégéE par le droit de grève. Il ou elle risque donc une sanction disciplinaire et peut être licenciéE sans que l'employeur ait à prouver une faute lourde. A l'inverse, dans le cas d'une grève, celle-ci suspend le contrat de travail mais ne le rompt pas – sauf en cas de faute lourde du ou de la salariéE (participation personnelle et active à des actes illégaux par exemple) – , le droit de grève assurant une protection aux salariéEs. Les Articles L2511-1 et L1132-2 du code du travail garantissent qu'aucunE salariéE ne peut être sanctionnéE, ni faire l'objet d'une discrimination (par exemple en matière d'augmentation de salaire ou d'attribution des missions) pour avoir fait grève, qu'aucunE salariéE ne peut être licenciéE pour avoir fait grève. Par ailleurs, l'exercice du droit de grève ne doit pas être mentionné sur le bulletin de paie du gréviste.
Quelle est la procédure pour faire grève ?
Dans les entreprises du secteur privé n'ayant pas en charge la gestion d'un service public, telle que Captrain France, un mouvement de grève peut être déclenché à tout moment. Les salariéEs qui veulent utiliser leur droit de grève n'ont pas à respecter de préavis. Une grève est légale même si elle n'a pas été précédée d'un avertissement ou d'une tentative de conciliation avec l'employeur. Les salariéEs ne sont donc pas tenuEs de respecter un délai de prévenance avant d'entamer la grève.
En revanche, l'employeur doit connaître les revendications professionnelles des salariéEs au plus tard au moment du déclenchement de la grève. Les salariéEs ne sont pas tenuEs d'attendre le refus de leur employeur de satisfaire à leurs revendications pour entamer la grève, mais ils et elles ont simplement l'obligation d'informer l'employeur de leurs revendications professionnelles avant d'agir. Peu importe les modalités de l'information à l'employeur [2].
UnE salariéE gréviste n'est pas tenuE d'informer l'employeur de son intention d'exercer son droit de grève. Dans ce cas, lorsque l'employeur lui demande plus tard quelles étaient les raisons de son absence, le ou la salariéE indique simplement qu'il ou elle était en grève. Cela dit, il est souvent préférable d'aviser son chef de site et en particulier ses collègues non grévistes afin d'éviter de les laisser dans des conditions compliquées du fait de notre grève.
Combien de temps peut-on faire grève ?
Il n'existe aucune durée minimum, ni maximum de la grève. Celle-ci peut être de courte durée (quelques minutes) ou bien se poursuivre sur une longue période (plusieurs jours, semaines ou mois).
Elle peut être répétée. Par exemple, il est tout à fait légal d'effectuer un arrêt total et concerté du travail d'1/4 d'heure toutes les heures pendant 10 jours. Cela dit, une telle option est loin d'être judicieuse compte tenu de certains de nos métiers.
Si aucune durée n'est annoncée, il est vivement conseillé d'aviser son supérieur hiérarchique lorsque l'on cesse d'exercer son droit de grève, afin d'éviter le risque d'être considéréE en abandon de poste.
Quelles règles doit-on respecter pendant une grève ?
Une grève ne se fait pas à la maison si on veut qu'elle soit efficace. Une grève efficace est active : il est de coutume que les grévistes se réunissent en assemblée générale en fonction des conditions géographiques, pour discuter de la situation, de l'éventuelle avancée des négociations avec l'employeur, et pour décider collectivement, démocratiquement, des actions à mener (participation à des manifestations, etc.) et de l'éventuelle reconduction de la grève. Il est également de coutume de tenir un piquet de grève sur le lieu de prise de service pour convaincre les collègues non grévistes de l'importance de se mobiliser.
En revanche, les grévistes doivent respecter le travail des non-grévistes. Le blocage de l'accès à un site ou bien l'occupation des locaux afin d'empêcher le travail des non-grévistes sont des actes abusifs. Il est possible de bloquer l'entrée principale d'un site à condition qu'une autre entrée reste accessible ; il est possible d'occuper les locaux à condition de ne pas entraver la liberté de travail des non-grévistes – mais l'employeur a le droit de demander l'expulsion des grévistes par les forces de l'ordre.
Il en va de même de la dégradation des locaux ou des matériels. De telles actions sont illégales et peuvent donc être sanctionnées pénalement, tout comme les actes de violence à l'encontre de la direction ou du personnel de l'entreprise. Les syndicats et les grévistes sont responsables des abus commis pendant une grève. L'employeur et les non-grévistes peuvent demander réparation en justice.
Quelle est la conséquence d'une grève sur le salaire ?
La grève entraîne une retenue sur le salaire du ou de la salariéE gréviste : l'employeur retient sur la paie du ou de la salariéE une part du salaire et de ses éventuels accessoires (indemnité de déplacement, par exemple). Cette retenue sur la rémunération doit être proportionnelle à la durée de l'arrêt de travail : toute retenue supérieure est évidemment interdite.
Mais dans certains cas, l'employeur doit payer son salaire au ou à la gréviste, par exemple si la grève a pour origine un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations, ou encore si un accord de fin de grève le prévoit.
Usons du droit de grève !
Le droit de grève est un droit fondamental garanti par la Constitution. Aucune convention ou accord collectif ne peut limiter ou réglementer l'exercice du droit de grève.
Il s'agit d'un droit crucial pour la classe ouvrière face à la domination patronale. Historiquement, le mouvement ouvrier a conquis ce droit indispensable pour mener des luttes de progrès social. En paralysant la production, unique source des richesses, les travailleuses et travailleurs en grève s'attaquent aux profits des employeurs et actionnaires en créant un rapport de force, seul à même d'empêcher la dégradation des conditions de travail et de vie, et à même de conquérir de nouveaux droits. Alors pour la démocratie et le progrès social, pour l'amélioration de nos conditions de travail et de vie, usons du droit de grève !
* Article modifié le 01/01/2021 : Suite au changement de nom de l'entreprise au 01/01/2021, les occurrences de "VFLI" ont été remplacées par "Captrain France".
[1] L'appel d'une organisation syndicale à faire grève n'est pas du tout obligatoire.
[2] L'employeur peut être informé par un mail, une lettre, un tract, une pétition, transmis par les salariéEs, un syndicat ou l'inspection du travail ; ou même oralement par une délégation auprès du responsable des « ressources humaines »...