Début mars, des salariés affectés sur différents sites du Nord et d'autres affectés aux trafics de Vintimille et Modane ont commencé à nous exprimer les premières inquiétudes quant aux risques liés au Coronavirus à l'occasion de leur travail, pour des raisons évidentes de proximité avec des zones à hauts risques de contagion. Compte tenu de l'écart constaté entre les mesures prises par la direction dans sa note de service du 28 février et les conditions réelles de travail de ces salariés, nous avons tenté d'initier dans la foulée un droit d'alerte pour danger grave et imminent dans le cadre du CSE. Pour des raisons internes à notre organisation syndicale puis liées à des hésitations dues au caractère nouveau du fonctionnement de cette instance qu'est le CSE, ce droit d'alerte n'a pas pu se constituer en tant que droit d'alerte du CSE. Nous présentons nos excuses aux collègues de la CGT. Mais c'est pourquoi, face aux situations à risques de plus en plus nombreuses rencontrées par les salariés sur l'ensemble du territoire, et suite aux annonces du Président de la République du 12 mars 2020, les membres de la délégation SUD-Rail au CSE ont décidé, comme vous le savez, de déposer le 13 mars 2020 auprès du Président de VFLI un droit d'alerte pour danger grave et imminent dû à la pandémie du coronavirus, et couvrant l'ensemble des salariés.
Nous souhaitons, sur ce sujet, porter quelques éléments à la connaissance des membres du CSE et des salariés. On pourrait certes nous reprocher de ne pas avoir fait figurer dans ce droit d'alerte, conformément à l'Article D4132-1 du code du travail, la liste des postes de travail concernés par la cause du danger constaté, ni le nom des travailleurs exposés ; mais chacun est à même de comprendre que, dès lors que le virus circulait sur l'ensemble du territoire, ce sont désormais l'ensemble des salariés qui faisaient face au risque de maladie. Un droit d'alerte similaire a d'ailleurs été déposé à la SNCF.
Nous signalons aux membres du CSE qu'un signataire du droit d'alerte a tenté de déposer celui-ci dans le registre spécial du siège de la région Sud-Est, mais n'avait pas les moyens d'y accéder. Le CSE devra donc s'accorder sur les moyens de rendre possible l'application de l'Article D4132-2 du code du travail.
En revanche, nous regrettons fortement que la direction n'ait pas jugé approprié d'appliquer l’Article L4132-2 du code du travail. En effet, en vertu de celui-ci, dès l'avis d'un droit d'alerte, l’employeur doit procéder immédiatement à une enquête avec le représentant du CSE qui lui a signalé le danger et prendre les dispositions nécessaires pour y remédier. En faisant le choix de traiter le problème lors de la prochaine réunion ordinaire du CSE de ce jour, au lieu de diligenter immédiatement une enquête conjointe, la direction a porté entrave au fonctionnement régulier d'une instance représentative du personnel.
Enfin, nous regrettons également que la direction n'ait pas jugé approprié d'appliquer l’Article L4132-3 du code du travail, selon lequel, en cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le CSE doit être réuni d'urgence, dans un délai n’excédant pas 24 heures. En décidant de s'en tenir à la prochaine réunion ordinaire du CSE de ce jour, la direction a décidé unilatéralement, comme elle l'indique dans son courrier de réponse au droit d'alerte, « qu'aucun salarié n'est actuellement confronté à une situation de danger grave et imminent ». Or ce n'est pas à l'employeur d'en décider, mais, en dernier ressort, à l'inspection du travail. En faisant le choix de ne pas réunir le CSE dans les 24h, la direction a porté entrave au fonctionnement régulier d'une instance représentative du personnel.
Sur la réalité du danger, nous rappelons aux membres du CSE qu'est considéré comme danger grave « un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée » ; est considéré comme danger imminent « un danger susceptible de se réaliser brutalement et dans un délai rapproché ».
Pour nous, le coronavirus, tel qu'il se répand sur l'ensemble du territoire, et faute de mesures de prévention adaptées, est un danger grave et imminent pour chaque salarié de l'entreprise, qui a tout motif raisonnable de penser que sa situation au travail présente un tel danger pour sa santé et sa vie.
Nous souhaitons avertir, contrairement à ce que pourrait laisser penser la réponse de la direction, qu'il n'y a pas danger grave et imminent seulement à partir du moment où un salarié contracte le virus.
A défaut d'une enquête conjointe avec l'employeur, dont nous pensons, au vu des circonstances exceptionnelles, qu'elle aurait pu être organisée de manière coordonnée avec l'ensemble des membres du CSE, sur l'ensemble des sites, et apporter très rapidement de nombreuses mesures de protection aux salariés, nous avons pris l'initiative de nous organiser, dans la mesure de nos forces, en vue d'avoir une idée relativement précise des conditions de travail d'un maximum de salariés. Nous avons pu échanger avec 200 à 300 salariés sur ces 3 derniers jours, et sommes parfois allés sur place selon les possibilités. Nous sommes donc en mesure de mettre sous vos yeux des remontées du terrain dans ces circonstances exceptionnelles, conformément au rôle qui nous incombe en tant que représentation du personnel.
Aucun site ne met à disposition le kit complet de protection individuelle (Masque de 2ème catégorie, lingettes désinfectantes, gants jetables, gel hydroalcoolique). Parfois du gel hydroalcoolique et des lingettes ; mais jamais de masque ni de gants jetables. A notre connaissance, Vittel semble la seule exception.
Beaucoup trop de salariés travaillent sans aucun moyen de protection. C'est le cas notamment sur les 3 sites ITE de Lavera, alors que l’un d’entre eux reçoit un certain nombre de routiers venus d'Italie.
Sur plusieurs sites, aucune commande de moyens de protection n’a été faite (Bellegarde, Gudmont, et sans doute d'autres). La situation est d’autant plus grave à Gudmont qu'il n'y a pas de point d’eau pour se laver les mains.
Certains sites, tel que Compiègne, savent qu'ils ne seront pas réapprovisionnés avant le mois d’avril.
Sur le trafic de Modane, le nettoyage de la cabine de la 36000 est quasi impossible à cause des nombreux recoins. Un nettoyage prendrait trop de temps aux conducteurs en n'ayant aucune garantie que la cabine soit désinfectée, problème d’autant plus important que la machine vient de Novara dans le Piémont en Italie, une zone à risque et mise en quarantaine.
Il n'y a aucune garantie que les conducteurs italiens disposent de kits de protection individuelle. Or il y a contact direct avec les Italiens à Modane (lors des relèves) ainsi qu’à Vintimille.
Sur plusieurs sites, des moyens de protection ne sont pas accessibles aux salariés : ils sont rangés sous clé.
A cours de moyens de protection, les supérieurs hiérarchiques proposent aux salariés de se les acheter eux-mêmes et de les mettre sur note de frais. Or c’est à la direction de mettre des moyens de protection à disposition, après avoir fait preuve d'anticipation. Les salariés qui ont tenté de s'en procurer par leurs propres moyens ont dû faire face à la pénurie.
Certains sites sont complètement dépendants d’autres sites éloignés. Par exemple, les CDL de Dijon et Modane sont obligés de passer à Lyon pour trouver éventuellement du gel hydroalcoolique et des lingettes.
Des CDL estiment qu’une lingette désinfectante n’est pas suffisante pour garantir le nettoyage complet des machines. Beaucoup d’entre eux ont des doutes concernant le nettoyage (mouchoirs trainant à terre, poubelles qui débordent…). Le coronavirus peut survivre de plusieurs heures à plusieurs jours en dehors du corps humain, selon les surfaces, la température, l'humidité...
Les salariés qui doivent prendre des voyageurs se sont retrouvés dans des gares avec des rassemblements de plus de 100 personnes.
Beaucoup de salariés se sont retrouvés dans des voitures voyageurs de plus de 100 personnes non espacées de plus d’un mètre.
La semaine dernière, un conducteur a passé 6h dans un voyageur avec quelqu’un qui lui toussait dessus dans le dos pendant 1h30. Un autre conducteur a reçu un mail du Centre de Crise Sanitaire (gouvernement) lui indiquant qu’il s’est retrouvé quelques jours auparavant dans la même voiture voyageurs qu’une personne ayant contracté le Coronavirus.
Des salariés refusent les EV ou refusent de se rendre dans les gares de peur d’être contaminés. D'autres sont angoissés à l'idée de rester coincés en découché, donc reprennent les EV retours pour rentrer chez eux.
Sur certains sites, les responsables hiérarchiques proposent aux conducteurs de faire leur EV sur le train d’un collègue, plutôt que de mettre à leur disposition une voiture de location… Or cette situation ne doit être possible qu’à la condition que ces conducteurs ne partagent pas la même cabine de conduite, afin de respecter les distances de sécurité.
Les EV sont perçus comme un risque énorme à cause du passage de nombreuses personnes venues des quatre coins de la France et du fait qu'ils proviennent souvent de zones à risques.
Il est souvent difficile de respecter l’éloignement avec les collègues en machine ; il en va de même dans les voitures de service. Les salariés se retrouvent parfois à 5 dans des voitures de service sur un trajet long (entre 1h30 et 4 heures de trajet).
Certains trafics comportent des agents d’accompagnement. Soit plusieurs agents sur un engin moteur.
Certains sites, comme à Port-du-Rhin, accueillent apparemment encore des salariés en formation ou en cours d’habilitation, donc en double, voire en triple avec les agents. Une des salariée présente hier était initialement prévue en formation VT, laquelle a été annulée, suite à quoi cette salariée a été mise en "réserve" sur site, au lieu de rentrer chez elle.
De même, des salariés sont encore planifiés en étude de ligne sur certains sites.
Dans certains hôtels et foyers, il y a un contact direct avec des personnes venues d'Italie, comme à Modane et Menton. Et les personnes employées dans ces établissements font souvent des allers-retours en Italie, ce qui augmente le risque de contagion.
Dans les hôtels et foyers, il n'y a aucune garantie que les femmes de ménage soient négatif au Coronavirus. Aucune garantie que les couverts type inox, les poignets de portes, de fenêtre soient désinfectés. Il n'y a pas d’espacement d’un mètre entre les chaises.
Dans les foyers de Valenton et Marseille, les salariés ont pu avoir des contacts avec des personnes venues de partout. Parfois plus de 15 personnes dans la même pièce.
Sur certains trafics, les RHR sont trop longs (jusqu'à 40h), en confinement sans aucun magasin pour pouvoir se restaurer. Le changement au niveau des RHR influant aussi sur la qualité de sommeil des conducteurs qui se retrouvent à faire des trains dans un état de fatigue important.
Certains foyers ORFEA ne servent plus de petit déjeuner, ce qui pose évidemment un problème pour les RHR. Les salles communes sont fermées.
Certains hôtels ferment ou sont réquisitionnés pour le personnel soignant. Les hôtels se trouvant dans des zones à risques.
A Gudmont, depuis quelques temps, les CDL sont délocalisés dans d’autres hôtels par les ORFEA. Des hôtels exotiques avec une hygiène douteuse. Ils sont donc tenus de vérifier systématiquement où ils sont logés et éventuellement de demander un changement.
Les restaurants étant fermés, un salarié ne pouvant plus y aller le midi a demandé à sa hiérarchie comment faire. On lui a répondu d’aller en grande surface faire des courses. Outre les temps d'attente exorbitants dans les grandes surfaces, il y a surtout le risque de contamination, les « gestes barrière » n’étant pas souvent respectés.
Des salariés de Miramas affectés au trafic de Vintimille ont exprimé des craintes tout à fait légitimes, au vu de la proximité avec une zone à haut risque, et demandent à éviter d'y être missionnés. L'aménagement du trafic pour une fin de mission à Menton ne rassure pas : Menton ou Vintimille, il n'y a aucune garantie que les risques soient différents. Les OSS sont coincés dans un hôtel à Menton pendant plusieurs jours, et les restaurants sont fermés. Il y a juste un carrefour Market à proximité de l’hôtel, mais donc juste des « trucs à grignoter » : pas de repas. La voiture de service qui fait les allers/retours entre l'hôtel de Menton et Vintimille n'est pas désinfectée. Un OSS était de retour de formation plus tôt que prévu car il était impossible de se restaurer sur place autrement que par sandwich, ce qui a écourté la formation.
A Tarascon, les OSS doivent effectuer des heures de présence à Fibre Excellence à la journée, mais ils ne veulent pas forcément aller au sein de cette usine où il y a beaucoup de monde qui travaille.
Sur le site de Compiègne, les agents SMDO reçoivent par temps de pluie de l’eau provenant des containers de déchets ménagers. Ils s’inquiètent de la prolifération du virus dans les déchets, n’ayant aucune information à ce sujet.
A Bellegarde également, les salariés sont exposés aux déchets ménagers et craignent une contamination possible par d’éventuels mouchoirs de personnes infectées jetés dans les poubelles ménagères. Ils sont à deux dans une cabine et sans aucune protection.
Les trafics qui vont vers l’Italie présentent un risque considérable de transmission du virus. A Modane, les conducteurs utilisent parfois les 27000 pour faire des manœuvres quand il est impossible de le faire avec les 36000. Ces mêmes 27000 circulent sur tout le territoire en France. Il y a un risque d'effet boule de neige évident si un opérateur se fait contaminer.
La plupart des salariés travaillent sur des trains non essentiels aux besoins vitaux : il n'y a pas de tri entre les trafics indispensables et les trafics qui peuvent et doivent être supprimés. Par exemple, à Chalons-en-Champagne, on transporte du sable et des cailloux vers Bantzenheim qui se situe à quelques kilomètres de Mulhouse (une zone à haut risque). Les conducteurs prennent inutilement des risques pour transporter des marchandises qui ne sont pas des denrées de premières nécessités.
A Tarascon également, les salariés se demandent pourquoi le trafic Fibre excellence circule toujours alors que ce sont des trains de bois ou de copeaux pour fabriquer de la pâte à papier. Pour eux, ce n'est pas une matière indispensable à l’heure de cette crise sanitaire.
Ils comprennent pour l’autre contrat, le Forwardis, parce que ce sont des produits pétroliers, du carburant, mais se demandent pourquoi prendre ces risques.
Apparemment, une conductrice de Bordeaux a été mise en quatorzaine par son médecin la semaine dernière, parce qu’elle présentait les symptômes du coronavirus. Elle est en arrêt maladie. Aucun test n’a été fait. On ne sait donc pas si elle a la maladie ou non. Son compagnon continue de conduire des trains depuis. Il croise des collègues aux relèves, qui montent dans la même machine, etc.
Actuellement, sur le site de Petroineos, un salarié serait en arrêt maladie et confiné chez lui mais n'a pas été dépisté faute de tests de dépistage. Les salariés qui l'ont cotoyé craignent pour leur santé et celle de leurs proches.
Il y aurait au moins deux autres arrêts maladie à Tarascon et Ambérieu.
Nous regrettons que la direction ne juge pas utile de nous informer de la situation sanitaire au sein de l'entreprise, en répondant favorablement à cette demande émise dans notre droit d'alerte.
De toutes ces remontées de terrain, un sentiment général émerge. Les salariés ont le sentiment que les wagons comptent plus que l’être humain, que le buisness prend le pas sur la santé. Ils ont le sentiment d'être envoyés au casse-pipe, au front, en première ligne. La majorité le pense : « les cadres sont à la maison, et les ouvriers vont choper le virus ». Ils ne se sentent pas du tout protégés, et pas du tout considérés. Le climat anxiogène installe des conditions psychologiques déplorables doublée d'un sentiment de futilité : les salariés ne trouvent aucun sens à faire des trains inutiles au vu de l'urgence sanitaire.
Face aux multiples alertes répétées des salariés confrontés à ces situations, nous savons que la direction a pris quelques mesures d'adaptation au cas par cas, au jour le jour. Mais au vu de la situation sanitaire générale, nous pensons qu'elles sont largement insuffisantes.
Conformément aux doléances des salariés, nous demandons :
- que soit mis à disposition de chaque salarié et sans interruption un kit de protection individuelle minimal composé de gants jetables, gel hydroalcoolique, lingettes désinfectantes ;
- que la direction sollicite un service de nettoyage à vapeur sèche et de désinfection des postes de conduite après chaque utilisation d'une locomotive ;
- que des couvre-sièges en papier jetable soit mis à disposition de chaque conducteur ;
- que soient mis à disposition des produits d'entretien sur chaque site et chaque engin moteur ;
- qu'une 27000 soit mise à disposition à Modane en lieu et place de la 36000, afin de limiter drastiquement les risques de contamination et facilité la possibilité de nettoyage ;
- que soit mis en place un point d'eau sur le site de Gudmont ;
- que soit mis en place le renvoi d’appel pour les OSS de Tarascon, qui seront sur place en cas de besoin ;
- qu'une seule personne maximum soit sur un poste de conduite ou dans un véhicule de service : pas de stagiaire en cabine, pas d'accompagnement, les OSS ne montent pas en cabine, les conducteurs se croisent à distance hors de la cabine lors des relèves ;
- que soient mises à disposition des salariés des voitures de service ou de location, avec la garantie de la désinfection avant usage, pour remplacer tous les EV ;
- que les réservations se fassent dans les hôtels (type IBIS) soumis à de hautes exigences d'hygiène, plutôt que dans les Orfea ;
- que les réservations d'hôtels ne se fassent plus dans les zones à risque ;
- que, les restaurants étant fermés, soit mis à disposition de chaque salarié en RHR un panier repas complet pour chaque repas prévu.
- qu'à défaut des trois mesures précédentes, les RHR soient supprimés.
- que les personnes à risque selon les critères du Haut Comité de Santé Publique ou sur avis du médecin soient mise en télétravail ou en arrêt ;
- que les plannings soient reconfigurés de manière à solliciter le moins de personnel possible ;
- que les plannings soient reconfigurés pour limiter drastiquement les RHR ;
- la mise à jour des documents uniques d'évaluation des risques dans le cadre du CSE, conformément à l'article R. 4121-2 du code du travail ;
- que, pour chaque salarié qui en fait la demande, soit accepté le déplacement de ses congés déjà posés sur une autre période à venir, pour couvrir la période de 14 jours, compte tenu des circonstances exceptionnelles, en application de l’article L. 3141-16 du code du travail ;
- que soit fait un tri entre les trains inutiles et ceux réputés essentiels (non pas du point de vue de l'apport économique pour l'entreprise, mais du point de vue de l'urgence sanitaire du pays) et que les trains inutiles soient suspendus.
- qu'en cas de recours au chômage partiel, dans le cadre du nouveau dispositif d'activité partielle qui entrera en vigueur dans les prochains jours, la direction fasse le choix de ne pas limiter l'indemnisation des salariés à 70% du salaire brut mais de la fixer à 100%.
A défaut de ces mesures minimales, nous demandons qu'un salarié souhaitant se retirer de cette situation de danger à l'occasion du travail puisse le faire sans subir ni retenue de salaire, ni sanction. En effet, dans la situation dramatique que nous vivons, nous demandons à la direction de faire preuve d'humanité envers les salariés qui, la boule au ventre, ont été contraints de faire usage de leur droit de retrait.
Nous insistons sur le fait qu'il s'agit de mesures minimales. Notre conviction profonde est qu'il faudrait en toute responsabilité supprimer l'ensemble des trafics de VFLI jusqu'à nouvel ordre, et sans aucun licenciement. D'une part, les mesures annoncées par le gouvernement à destination des entreprises le permettent amplement ; et d'autre part, ce n'est pas à l'entreprise de déterminer quels sont les trains essentiels, mais à l’État. La direction peut faire le choix de ne faire rouler que les trains qui auront fait l'objet d'une réquisition préfectorale. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, nous pouvons considérer qu'il s'agit de trains essentiels, nécessaires aux besoins sanitaires du moment. Mieux vaut une suspension temporaire des trafics et contribuer à la lutte contre ce virus, que de prendre le risque de permettre sa circulation. Un salarié de VFLI contaminé serait un de trop.
Nous insistons également sur le fait que nous ne cédons pas à la panique, ni ne faisons dans la surenchère : nous prenons seulement le risque sanitaire au sérieux et ne prenons pour boussole rien d'autre que la préservation de la santé de l'ensemble des salariés. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Nous rappelons à la direction, aux représentants du personnel, aux salariés, que le même conseil scientifique qui oriente les décisions de l'Etat a par ailleurs produit un ensemble de simulations dont a rendu compte le journal Le Monde, et qui, faute d'une connaissance suffisante des contours de cette pandémie, devraient être prises en considération dans les décisions de l'entreprise afin de ne pas transiger.
Nous rappelons également que la direction n'est pas dans l'obligation de se contenter de suivre uniquement les mesures prises par le gouvernement et la direction du groupe SNCF : elle peut choisir d'être exemplaire et d'aller plus loin dans la protection des salariés. Car selon nous, le gouvernement n'a pas pris la mesure de la crise sanitaire et a tardé à réagir fortement, préférant céder à l'attentisme et se reposant sur les comportements individuels. Le groupe SNCF a trop longtemps semblé complètement déconnecté de la réalité : il a fallu une bataille de plusieurs jours des organisations syndicales pour faire entendre raison à la direction et que quelques mesures sérieuses de protection des salariés soient mises en œuvre, même si, pour l'heure, le compte n'y est toujours pas.
Nous pensons que prendre le problème au sérieux, c'est mettre de côté les intérêts économiques de l'entreprise, qui seront de toutes façons préservés par les mesures étatiques annoncées, et « investir » avant tout dans l'intégrité sanitaire des salariés. Ce qui signifie que, dans son obligation de résultats en matière de sécurité, la direction se doit d'anticiper. Elle doit notamment anticiper la probable deuxième vague de contamination annoncée par les scientifiques, la poussée continue de la propagation, la période d'incubation de 14 jours, le fait que nous sommes tous porteurs potentiels de la maladie sans forcément la déclarer, et que nous sommes peut-être des transmetteurs de premier plan du virus à nos proches, à nos familles, à nos collègues. Contribuer à « l'effort pour la Nation », c'est contribuer à résorber la propagation du virus, donc s'interdire de prendre le moindre risque de propagation, et donc donner priorité à la prévention maximale. Ce n'est pas de continuer à obliger les salariés d'aller au front, ce qui serait proprement irresponsable.
L’objet de nos demandes n’est pas destiné à mettre en péril l’économie de l’entreprise mais uniquement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à la sécurité de l’ensemble des salariés de VFLI. Nous vous rappelons que ces derniers jours le virus se propage de manière exponentielle. Pour rappel, 1404 cas et 69 décès supplémentaires ont été recensés en l’espace de 24 heures seulement.
Nous espérons vivement que la direction saura ne pas se rendre coupable d'une faute inexcusable.