1. Juste un changement de nom et rien d’autre ?
2. Ça commence fort !
3. VFLI ou Captrain France : même logique mortifère
4. Prenons nos affaires en main !
Ça y est : VFLI, la petite start-up locale de droit privé de la SNCF née en 1998 et dédiée à la logistique ferroviaire sur sites industriels, devenue au fil des années et des acquisitions VFLI SAS, filiale nationale, pour s’établir comme un acteur majeur du transport de fret ferroviaire, a changé de nom pour devenir Captrain France depuis ce 1er janvier 2021.
Autant dire que, dans le monde du fret ferroviaire, ce n’est pas une petite affaire. Un « changement de nom » annoncé soudainement aux salariéEs le 11 juin dernier, suite à un projet de restructuration du pôle Transport Ferroviaire et Multimodal de Marchandises (TFMM) de SNCF Logistics. La direction de VFLI martelait qu’il n’y aurait de changement pour l’entreprise que le nom et rien d’autre : « Il n'y a aucune restructuration qui soit liée au changement de nom ou qui soit la conséquence de ce changement de nom ».
SUD-Rail avait immédiatement appelé à la vigilance, exprimé de la méfiance quant à ce discours et formulé des craintes concernant notamment l’abandon des activités ITE sur sites industriels, ou le dumping social dont feraient l’objet les salariéEs mis en concurrence avec les autres Captrain européens moins bien lotis sur le plan social. Le fait est que ces craintes, sans pour autant être confirmées pour l’instant, sont fondées et se légitiment mois après mois.
Juste un changement de nom et rien d’autre ?
Il y a pourtant d’abord eu un changement de Président, dès le 1er juillet 2020, dont le communiqué de presse de TFMM daté du même jour révèle que, pour « les activités business » de TFMM, le nouveau Président de VFLI « mènera la transformation de VFLI en Captrain France ». Un changement de Président pourvu d’un mandat à visée stratégique, ce n’est pas qu’un changement de nom...
En octobre 2020, on apprenait la réalisation d’une première chez « VFLI Formation » : l’évaluation des acquis des conducteurs/trices belges de Railtraxx, soit Captrain Belgium, également filiale de SNCF Logistics pilotée par TFMM, pour une remise à niveau qui leur permettrait de circuler sur la partie française.
En soi, aucun problème : nous sommes touTEs des travailleuses et travailleurs du rail, avec les mêmes intérêts, par-delà la nationalité et les frontières. Mais du point de vue des conditions sociales, est-ce à ce point avantageux pour les actionnaires qu’on préfère habiliter ces conducteurs/trices sur le réseau de France plutôt que de développer des emplois chez Captrain France, ou mieux, directement chez la maison mère ? Quels sont les salaires de ces salariéEs ? Quelles sont leurs conditions de travail ? Faut-il que Captrain France abaisse encore son niveau social à celui de Captrain Belgium pour obtenir du travail sur la partie française ? En sera-t-il de même avec les conducteurs/trices de Captrain España et de Captrain Italia ? Captrain Europe est-il une spirale à tirer tout le monde vers le bas ?
Ces salariéEs de Belgique doivent être remis à niveau : peut-être mais, au-delà de la conduite, que ce soit d’abord une mise au niveau social de l’entreprise qui dispose des meilleures rémunérations et des meilleures conditions de travail d’Europe ! Et nous aussi par la même occasion ! Quoi qu’il en soit, des activités de formation du personnel des autres Captrain européens, ce n’est pas qu’un changement de nom...
En novembre 2020, le CSE de VFLI était consulté sur un projet de « réorganisation » de l’entreprise : les activités ITE sur sites industriels font désormais exception avec la création et l’entrée en vigueur depuis ce 1er janvier 2021 de « Captrain Proximité », une « Business Unit » autonome consacrée uniquement à la gestion de toutes ces activités sur sites industriels.
Pourquoi ne pas en avoir fait une « région » de l’entreprise, au même titre par exemple que Captrain Travaux, Captrain Matériel ou Captrain Formation ? Pourquoi le secteur d’activité de l’entreprise qui rapporte le moins fait-il l’objet d’une restructuration sous cette forme spéciale ? Pour des salariéEs qui se sentaient déjà isoléEs et excluEs de l’entreprise, on ne peut faire mieux pour accentuer ce sentiment…
Sans jouer les pronostics, la réponse semble évidente : il s’agit du lancement d’un processus de filialisation qui ne dit pas son nom. Captrain Proximité sera sans doute à terme une filiale de Captrain France… L’intérêt inavoué pour la direction ? Générer des économies par une réduction de ce qu’ils appellent des « charges », et « optimiser » le cadre fiscal par des « avantages » fiscaux, par exemple la réduction du montant de l’impôt sur les bénéfices ou la remontée des dividendes au profit de la société mère sans – ou avec une très faible – taxation fiscale. Il s’agit d’une bonne pratique capitalistique bien rodée, celle-là même qui contribue activement à détruire les services publics et la sécurité sociale du pays.
L’intérêt pour les salariéEs de cette toute nouvelle « Business Unit » Captrain Proximité ? Aucun. Le projet se justifie par la mise en œuvre d’une « organisation plus efficace afin de gagner en performances techniques et économiques », « améliorer la rentabilité », « proposer une gamme de services performantes au sein et à proximité des sites industriels », « gagner en compétences », « mieux répondre aux attentes du marché ».
Ce vocabulaire managérial est celui qu’on utilise pour dire : les salariéEs vont devoir être plus productifs, davantage poly-compétents, produire plus de tâches avec les mêmes moyens matériels et le même temps de travail… A quand le tour de la « région » Captrain Matériel ? Quoi qu’il en soit, un processus de filialisation de toute une partie historique des activités de l’entreprise, ce n’est pas qu’un changement de nom…
Ça commence fort !
A la mi-décembre 2020, l’entrée en vigueur du service annuel 2021 a révélé qu’on part de loin.
- Trop de contrats « clients » à honorer avec un manque cruel de personnel et des conducteurs/trices pas encore habilitéEs pour les nouvelles commandes : des retraités cheminots en CDD sont appelés en nombre à la rescousse.
- Les EM défaillants persistent depuis des mois et fatiguent les corps et les esprits : aucune amélioration n’est perceptible.
- L’année commence avec un nombre considérable de roulements qui ne respectent pas la réglementation RH : mais que font les directions régionales ?
- Faute de personnel en nombre suffisant, des salariéEs sont affectéEs sur plusieurs roulements, de « régions » différentes : a-t-on le droit d’avoir une vie en dehors du travail ?
- Une réorganisation de la « plate-forme Ile-de-France » a pris effet dès le 1er novembre 2020 dans le but d’économiser des Equivalents Temps Plein (ETP) : bah voyons, pourquoi se priver de réduire les possibilités d’offrir du travail ?
- Des habilitations et des compétences supplémentaires sont exigées pour bon nombre de salariéEs afin d’assurer les nouveaux trafics, sans qu’elles ne soient valorisées.
- Il est prévu que la poly-compétence soit encore davantage développée et généralisée dans l’entreprise, sans être valorisée.
Autant dire que, jusqu’à preuve du contraire, le lancement de Captrain France ne fait pas rêver…
VFLI ou Captrain France : même logique mortifère
A vrai dire, VFLI ou Captrain, c’est la même logique du moins disant social, de la course à la productivité. Avec le projet Captrain France, la direction du Groupe SNCF a une stratégie et un objectif : détruire toutes les protections sociales des cheminotEs – qui sont pourtant un minimum conquis de hautes luttes et souhaitable pour touTEs les travailleuses et travailleurs du rail – en misant sur la concurrence généralisée, la « loi du marché », pour faire des filiales privées aux conditions de travail et aux protections sociales misérables la norme, et ainsi se donner des marges de profits plus grandes.
Captrain France est une machine prévue pour alimenter activement ce monde ferroviaire délétère, animé par la course à la rentabilité, où les travailleuses et travailleurs du rail sont jetéEs les unEs contre les autres, et où ce sont les moins bien lotiEs qui tirent l’ensemble vers le bas.
La SNCF a supprimé 7000 emplois ces 3 dernières années, en plus d’avoir supprimé le statut de protection sociale ! Sur le combiné, par exemple, Captrain France vient de récupérer 2 contrats Froid Combi, lesquels étaient assurés par FRET SNCF depuis leur lancement en 1998. Conséquence : la destruction d’emplois s’intensifie chez le premier transporteur ferroviaire de marchandises en France, celui où le niveau social est le plus en faveur des salariéEs.
Il y a des raisons de penser que le projet Captrain France s’inscrit dans un projet global qui prend pour horizon le démantèlement de FRET SNCF par sa mise en concurrence « à moindres coûts » avec le regroupement des filiales Captrain, Forwardis et Naviland Cargo dans le sous-ensemble « Rail Logistics Europe » qui vient d’être créé fin 2020 au sein de TFMM. Une fois que FRET SNCF serait mise au bas niveau des filiales, elle intégrerait l’ensemble. Evidemment, ce Monopoly de SNCF Logistics se fait sans le consentement des premierEs concernéEs, les travailleuses et travailleurs qui, elles et eux seulEs, font rentrer l’argent.
Ces plans sont à l’opposé de ce qui est souhaitable pour touTEs et de ce pourquoi SUD-Rail se bat, à savoir un service public du transport des marchandises doté d’un haut niveau de protection sociale des salariéEs.
Prenons nos affaires en main !
Faire état de tout cela n’est pas motivé par une volonté d’entacher le relatif enthousiasme que suscite chez certains collègues ce « nouveau départ » pour l’entreprise. Cet engouement est compréhensible : comment ne pas se réjouir de l’arrivée de nouveaux contrats, de nouveaux trafics, de nouvelles machines ? Ce contexte ouvre nécessairement des perspectives potentiellement durables pour chacunE d’entre nous.
Mais SUD-Rail appelle à garder la tête froide, à rester lucide et vigilant, en gardant à l’esprit tous les éléments structurels, pour savoir dans quoi nous sommes engagés, à quoi nous participons bien malgré nous et vers quoi il faut tendre.
Ce contexte laisse à penser que c’est avant tout le moment d’une nouvelle aventure faite de solidarité, de résistance et de batailles collectives pour dessiner une entreprise de qualité soucieuse du bien-être des salariéEs, avec l’objectif à terme d’élever le niveau social vers ce qui se fait de mieux.
Or une telle entreprise ne se fera que par nous, les travailleuses et travailleurs, par notre auto-organisation, notre nombre et notre détermination à ne pas se laisser faire. C’est pourquoi c’est le moment, pour les OFI, les OSS, les agents du matériel, les CME et CDL, de se syndiquer, de rejoindre les collègues déjà mobilisés pour l’intérêt de touTEs, d’adhérer à SUD-Rail Captrain, une organisation démocratique impliquée et active, où chacunE prend part aux décisions et aux actions collectives. Sans organisation collective, pas de rapport de force…
SUD-Rail Captrain adresse ses meilleurs vœux à touTEs les salariéEs de Captrain France pour cette année 2021 qu’on espère meilleure !