1. Quel intérêt d’accéder à son dossier professionnel ?
2. Comment s’exerce ce droit ?
3. Une tentative d’extorsion de fonds ?
4. Victoire des salariéEs, un camouflet pour la direction !
Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) donne le droit à toutE salariéE ou ancienNE salariéE de demander directement à l’entreprise d’accéder aux données personnelles qui le ou la concernent : c’est le droit d’accès direct. Des salariéEs de Captrain France ont dû mener bataille pour obtenir le respect de ce droit, face à une direction décidée à oser ce qui ressemble à une tentative maladroite d’extorsion de fonds.
Quel intérêt d’accéder à son dossier professionnel ?
En vertu du RGPD, unE salariéE peut obtenir l’accès et la communication de l’ensemble des données le ou la concernant, qu’elles soient conservées sur support informatique ou papier. Il ou elle a ainsi le droit d’accéder aux données relatives notamment à son recrutement, son historique de carrière, l’évaluation de ses compétences professionnelles (entretiens annuels d’évaluation), ses demandes de formation et les éventuelles évaluations de celles-ci, son dossier disciplinaire, l’utilisation de son badge de contrôle d’accès aux locaux, ses données issues d’un dispositif de géolocalisation, tout élément ayant servi à prendre une décision à son égard (une promotion, une augmentation, un changement d’affectation, etc.), etc.
Chez Captrain France, les salariéEs ont donc également droit d’accès notamment à leurs roulements, plannings, « extractions Girafe » et bulletins de service, c’est-à-dire l’ensemble des données personnelles (individuelles et nominatives) concernant le décompte de leur durée de travail. Ces documents du dossier professionnel peuvent notamment leur servir à vérifier leurs temps de travail réalisé, et donc la conformité de leurs bulletins de paie.
L’« extraction Girafe » d’une année civile, par exemple, reprenant le détail de chaque jour de l’année (du 1er janvier au 31 décembre), pour un agent du matériel, OFI, OSS, CME ou CDL, tel qu’enregistré par le chef de site, permet de vérifier le décompte de la durée de travail réalisée, et ainsi de vérifier la bonne prise en compte ou non des éléments variables de salaire (EVS), des indemnités de frais professionnels, des repos, des congés, etc.
Comment s’exerce ce droit ?
Le droit d’accès est par principe gratuit et peut s’exercer sur place ou par écrit, y compris par voie électronique. Une copie des données est délivrée au ou à la salariéE à sa demande sans qu’aucun coût ne puisse lui être exigé, sauf si les demandes sont manifestement infondées ou excessives (exemple : demandes répétitives). L’employeur doit répondre à la demande dans les meilleurs délais sans dépasser un délai d’un mois à compter de la réception de la demande.
Au besoin, compte tenu de la complexité et du nombre de demandes qui devra être justifiée par l’entreprise, ce délai peut être prolongé de deux mois supplémentaires. Dans ce cas, le ou la salariéE ou ancienNE salariéE doit être informéE de cette prolongation et de ses motifs dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande.
En cas de défaut de réponse dans ce délai (1 ou 3 mois selon le cas), ou de réponse non satisfaisante, le ou la salariéE peut introduire une réclamation auprès de la CNIL et/ou former un recours juridictionnel à l’encontre de l’entreprise.
Une tentative d’extorsion de fonds ?
Au mois de mai 2021, des salariéEs de l'entreprise ont formulé « massivement » (selon les termes de la direction) des demandes d’accès à leur dossier professionnel, en l’occurrence des demandes de transmission des copies de leurs « extractions Girafe » 2018, 2019 et 2020. Trois ans en arrière, car il s’agit du délai maximum concernant les réclamations d’ordre salarial aux Prud’hommes.
Alors que l’employeur est tenu de faciliter l’exercice des droits des salariéEs en la matière, la direction de Captrain France a fait un choix insensé. Elle a reconnu que le droit d’obtenir une copie du décompte du temps de travail existe bien, mais a considéré que les demandes seraient excessives lorsqu’elles porteraient sur une période supérieure à douze mois, ou une période, quelle que soit sa durée, antérieure aux douze derniers mois. Les demandes répétitives, c’est-à-dire plus de deux par an, seraient également considérées comme excessives. Pour toute demande excessive, le paiement d’un coût forfaitaire serait exigé de la part des salariéEs pour l’obtention des documents en question, à savoir un coût de 150 euros ! Toutes les demandes récemment formulées se voyaient donc empêchées, puisqu’aucunE salariéE ne pouvait bénéficier d’une année civile complète… A moins de se soumettre à un tel paiement contraint.
Alors même que l’article 5 de l’accord de branche relatif à l’organisation du travail, auquel est soumis Captrain France, impose à l’employeur de conserver ces documents pendant trois années. Et alors même que le RGPD impose à l’employeur le principe de la gratuité !
« L'extorsion est le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque ». Cette décision osée de la direction n’est-elle pas une tentative d’obtenir par contrainte la remise de fonds ? ChacunE pourra se faire son opinion. Quoi qu’il en soit, cette décision avait à l’évidence deux objectifs : dissuader les salariéEs de faire de telles demandes (alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’un droit), et gagner du temps… Mais quand on y pense : contraindre unE salariéE à payer 150 euros alors qu’on est dans l’obligation légale de donner suite à sa demande gratuitement, dans une période où tout le monde sait que la direction gère mal l’entreprise parce que les salaires n’évoluent pas tandis que les conditions de travail se dégradent considérablement, quel affront insultant à l’égard des salariéEs !
Victoire des salariéEs, un camouflet pour la direction !
Durant l’été, suite à cette réponse de la direction, bon nombre des salariéEs qui avaient fait demande d’une copie de leurs « extractions Girafe » ne se sont pas laissés faire et ont adressé chacunE une plainte à la CNIL, avec l’aide et l’appui de SUD-Rail.
La CNIL, qui est dotée d’un pouvoir de sanction, est intervenue auprès de l'entreprise. Début septembre, conformément au droit, touTEs les salariéEs concernéEs recevaient sans tarder et gratuitement, de la part de la direction, l’intégralité des « extractions Girafe » demandées !
Grâce à la mobilisation de ces salariéEs et de SUD-Rail, l’ensemble des salariéEs de l’entreprise ont désormais accès gratuitement à la transmission des copies de documents de leur dossier professionnel, et notamment au décompte de leur durée de travail portant jusqu’aux trois années antérieures. Une victoire qui prouve à nouveau la nécessité de s’engager collectivement !
SUD-Rail est déjà en mesure de dire que les « extractions Girafe » 2018, 2019 et 2020 révèlent des aberrations en termes d’organisation de la durée de travail ! La suite au prochain épisode…