1. A quoi sert le recours à une expertise ?
2. Trahison en séance !
Le 29 avril 2021 se tenait une réunion ordinaire du CSE de Captrain. A l’ordre du jour, une fois n’est pas coutume, figurait un point portant sur la désignation d’un cabinet d’expertise pour procéder au diagnostic d’une part de la situation économique et financière de l'entreprise et d’autre part de sa politique sociale et conditions de travail. On ne saura jamais ce que les éluEs CGT et UNSA ont fait perdre aux salariéEs !
A quoi sert le recours à une expertise ?
Le code du travail oblige l’employeur à consulter le CSE sur un certain nombre de sujets. Il existe notamment trois consultations récurrentes obligatoires : sur la situation économique et financière de l’entreprise, sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi dans l’entreprise, et sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
Chaque année en principe, l’employeur fournit les informations nécessaires aux membres du CSE, qui doivent donc émettre un avis sur chacun de ces thèmes. Mais chez Captrain, un accord d’entreprise moins bon que le code du travail permet à l’employeur de ne consulter chaque année les membres du CSE que sur la situation économique et financière d’une part, et sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi d’autre part. La consultation sur les orientations stratégiques n’a lieu qu’une fois tous les trois ans.
Quoi qu’il en soit, pour émettre un avis lors d’une consultation récurrente, le CSE a le droit de recourir à un cabinet d’expertise. Les informations sur ces sujets étant toujours très complexes et pointues, le recours à des experts permet d’obtenir en moins de 2 mois des rapports précis, chiffrés, complets, objectifs et compréhensibles par les salariéEs, qui permettent aux éluEs du CSE d’émettre un avis éclairé.
En l’occurrence, désigner un cabinet d’expertise en vue des consultations récurrentes prévues cette année et portant, d’une part, sur la situation économique et financière de l’entreprise en 2020, et d’autre part sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi en 2020, aurait permis, par exemple, de savoir dans le détail (à plus forte raison pour une année aussi pénible que celle que nous avons traversée) :
- Comment l’entreprise est passée d’un budget prévisionnel de – 20 millions d’euros (ce qui a permis à la direction de compresser les salariéEs à tous les niveaux), à un résultat final de + 1,5 million d’euros ;
- Comment l’entreprise a géré l’impact financier des grèves SNCF provoquées par le projet de destruction du système des retraites voulu par Macron ;
- Comment l’entreprise a géré économiquement, financièrement et socialement l’impact de la pandémie de Covid-19 ;
- Pourquoi l’entreprise a refusé d’indemniser à 100 % les salariéEs qu’elle a placéEs en chômage partiel ;
- Où va l’argent des salariéEs, et combien, au sein de Rail Logistics Europe et du Groupe SNCF dont fait partie Captrain ;
- Comment l’entreprise mène sa politique de formation et de fidélisation, qui conduit à des vagues successives de départs de salariéEs ;
- Quel est le bilan des jours épargnés sur CET et des congés « perdus » ;
- Quel est le bilan des repos dus ;
- Comment l’entreprise mène sa politique d’évolution des salaires ;
- Etc. (tout ce que les salariéEs auraient voulu savoir sur ces thèmes).
De tels rapports auraient permis aux salariéEs, sans aucun doute, de découvrir un certain nombre de réalités de l’entreprise, comme c’est régulièrement le cas lors de recours à une expertise. Sur la base de tels rapports, les organisations syndicales seraient notamment arrivées mieux armées pour les NAO de fin d’année et les négociations d’accords prévues, et auraient sans aucun doute obtenu beaucoup plus d’améliorations dans l’intérêt des salariéEs.
C’est aussi très sain pour l’entreprise de faire appel, au moins de temps en temps, à une intervention extérieure, pour garantir que la direction ne reste pas cloitrée dans ses habitudes et ses schémas, lesquels peuvent tout à fait dégénérer abusivement dans son propre intérêt au détriment des salariéEs, sans que les membres du CSE aient les compétences pour le savoir.
Le recours à un cabinet d’expertises ne coûte absolument rien au CSE pour ces deux consultations récurrentes : c’est l’employeur qui paie. Et ça en vaut potentiellement le coup pour les salariéEs. Il n’y a rien à perdre, et tout à gagner.
Trahison en séance !
Ce recours à une expertise n’aura pas lieu cette année, faute de majorité absolue à l’occasion du vote lors de la réunion du CSE. Pour qu’une résolution du CSE soit validée, il faut obligatoirement un vote favorable d’au moins la moitié des éluEs présentEs + 1. Ce jour-là, toute la délégation du personnel était présente, soit 16 membres ayant voix délibérative. Il fallait donc au minimum 9 votes « pour », afin que la résolution soit adoptée.
Le vote a donné le résultat suivant :
- Les 7 éluEs SUD-Rail + 1 élu CGT ont voté « pour », ce qui fait 8 votes « pour » ;
- 5 élus CGT + 1 élue UNSA ont voté « contre », ce qui fait 6 votes « contre » ;
- 2 élus UNSA ont voté « abstention ».
Il a donc manqué une seule voix pour adopter la résolution…
Que la direction fasse un discours insistant avant le vote, pour convaincre les membres du CSE de ne pas voter « pour », n’a rien de surprenant : elle n’a aucunement envie que des experts mettent le nez dans son business et révèlent potentiellement des scandales, ou quoi que ce soit qui entache encore sa crédibilité.
Que les éluEs UNSA ne votent pas « pour » n’a rien de surprenant non plus : essentiellement dans l’encadrement et pro-direction, il n’y a rien à attendre de leur côté pour défendre les intérêts des salariéEs.
Mais concernant la CGT, c’est une honte !
Cette délibération a été inscrite à l’ordre du jour, à la demande de la délégation SUD-Rail portant la demande de salariéEs, qui a consulté auparavant la délégation CGT. Cette dernière a confirmé qu’il y aurait suffisamment d’élus CGT pour voter « pour », signifiant que la résolution serait donc adoptée. C’est la raison pour laquelle elle a été inscrite à l’ordre du jour. A défaut, évidemment, elle n’y aurait pas été inscrite.
Et en séance, le moment venu, un seul élu CGT vote « pour » et 5 autres votent « contre » !
Un coup de poignard dans le dos de SUD-Rail, mais surtout un désaveu pour l’ensemble des salariéEs de l’entreprise !
Ce sont les salariéEs qui se voient privéEs d’un droit précieux, d’une information cruciale, et surtout potentiellement de tout ce que les rapports d’expertise leur auraient apporté à travers notamment des accords d’entreprise de plus haut niveau, ce qui aurait pu être considérable ; mais on ne le saura jamais...
Bravo et merci au seul élu CGT pour son courage et sa fidélité aux valeurs authentiques de la CGT !
Au niveau interprofessionnel, la CGT est sans aucun doute l’une des organisations syndicales qui a le plus recours à des expertises, historiquement combattive et attachée à user des droits conquis pour servir au mieux les intérêts des salariéEs.
Mais chez Captrain, la CFDT (oups, pardon), la CGT n’a rien à voir avec la CGT : complètement docile, elle ne fait absolument rien dans l’intérêt des salariéEs, dès lors que, pour ce faire, elle devrait froisser un tant soit peu la direction… Il n’y a que chez Captrain qu’on peut voir la CGT faire échouer le recours à une expertise !
La CGT chez Captrain est focalisée sur la préservation et le sauvetage de son petit appareil et de son image, quitte à pactiser avec l’air du temps patronal s’il le faut, plutôt que sur les intérêts profonds et durables des salariéEs. Il suffit de consulter les procès-verbaux des réunions de CSE et les accords d’entreprise signés pour mesurer l’écart abyssal qui la sépare d’une CGT historiquement et authentiquement au service des salariéEs et du progrès social.
Rien de tel qu’une trahison de ce genre pour détériorer considérablement les relations inter-syndicales. Or les salariéEs n’ont pas besoin de cela. La « guerre » inter-syndicale, surtout entre la CGT et SUD-Rail, fait évidemment le jeu de la direction.
Les salariéEs ont besoin de l’unité syndicale en défense de leurs intérêts, surtout l’unité de la CGT et SUD-Rail. Si ce n’est pas le projet de la CGT, nous invitons les salariéEs à continuer de rejoindre SUD-Rail !
Plus nous serons nombreuses et nombreux,
mieux nous pourrons défendre nos intérêts sans en être empêchés !