Sommaire
On estime que les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire d'environ 1°C au dessus des niveaux préindustriels [1]. Les conséquences sont déjà observables et seront rapidement tragiques si les mêmes politiques persistent.
Dans son rapport scientifique de 2014, le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) [2] tirait une nouvelle fois la sonnette d'alarme. Le réchauffement anthropique de la planète (c'est-à-dire causé par les activités humaines) augmente actuellement à un rythme moyen de 0,2°C par décennie. Ce réchauffement est dû aux émissions passées et actuelles de gaz à effet de serre. Et il se poursuivra durant des siècles, voire des millénaires, provoquant des changements à long terme du système climatique.
Foutus gaz à effet de serre
Certains gaz à effet de serre sont naturellement présents dans l’atmosphère (vapeur d’eau, dioxyde de carbone) et jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat, en agissant à la manière des parois d’une serre : ils permettent à l'énergie solaire d'entrer dans l'atmosphère mais l'empêchent de s'en échapper. Sans eux, la température moyenne sur Terre serait de -18°C et la vie n’existerait sans doute pas. Mais depuis le début du XIXe siècle, avec l'avènement du système de production capitaliste et de l'ère industrielle, les activités humaines ont considérablement accru la quantité de gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, entraînant le réchauffement de la surface terrestre.
Il existe différents gaz à effet de serre, mais les activités humaines accroissent les concentrations dans l’atmosphère de certains d’entre eux, en particulier : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane, le protoxyde d'azote et les gaz fluorés. Le CO2 est le gaz à effet de serre le plus produit par les activités humaines : il est responsable de 63% du réchauffement anthropique de la planète. Sa concentration dans l’atmosphère est actuellement supérieure de 40% à celle du début de l'ère industrielle, laquelle était stable depuis 800 000 ans. Les autres gaz à effet de serre sont émis en moindres quantités, mais ils retiennent la chaleur bien plus efficacement que le CO2, et sont jusqu'à 1 000 fois plus puissants. Le méthane est responsable de 19% du réchauffement anthropique de la planète ; le protoxyde d'azote de 6%.
Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre sont le fait de certaines activités bien déterminées. La combustion du charbon, du pétrole et du gaz naturel produit du dioxyde de carbone (en quantité considérable) et du protoxyde d'azote ; la déforestation annule le rôle régulateur des arbres qui absorbent le CO2, libérant de surcroît dans l'atmosphère, lorsqu'ils sont abattus, tout le carbone stocké ; l'élevage de bovins et ovins produit de grandes quantités de méthane ; l'utilisation d'engrais contenant de l'azote produit des émissions de protoxyde d'azote. Nous sommes donc parfaitement en mesure de cibler les secteurs d'activité responsables des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que leurs proportions d'émissions compte tenu des choix des modes de production.
Au niveau mondial, la production d'électricité et de chaleur est le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre : 25% des émissions totales ; l'agriculture, la foresterie et autres affectations des terres viennent en second : 23% ; le secteur de l'industrie : 18% ; celui des transports : 14,1% ; le secteur de l'énergie : 9,6% ; celui du bâtiment : 6,4% ; et enfin le secteur des déchets : 2,9%.
- Production d'électricité et chaleur 25%
- Agriculture, foresterie et autres affectations des terres 23%
- Industrie 18%
- Transports 14,1%
- Energie 9,6%
- Bâtiment 6,4%
- Déchets 2,9%
Le réchauffement planétaire provoqué par ces émissions de gaz à effet de serre n’est pas linéaire. Il s'est significativement accéléré depuis les années 1950. On parle « d'emballement de l'effet de serre ». Il est déjà acté que le réchauffement planétaire atteindra au moins 1,5°C entre 2030 et 2050, compte tenu de la durée de vie des gaz déjà accumulés dans l'atmosphère. Cela étant, soit des mesures radicales sont mises en œuvre dès maintenant pour limiter et maintenir le réchauffement à 1,5°C, soit on reporte la gestion du problème en le minimisant et le réchauffement s'accentuera, avec ses conséquences chaotiques pour nous... et a fortiori pour nos enfants.
Le chaos qui vient
Selon le rapport du GIEC de 2014, le réchauffement planétaire de 1,5°C que nous allons subir aura de multiples conséquences graves. Sécheresses, déficits de précipitations dans certaines régions, fortes précipitations dans d'autres régions, précipitations plus abondantes liées aux cyclones tropicaux, inondations touchant une plus grande superficie mondiale, élévation du niveau de la mer qui se poursuivra dores et déjà au-delà de 2100, instabilité de la calotte glaciaire marine en Antarctique et/ou perte irréversible de la calotte glaciaire du Groenland qui pourraient entraîner une élévation supplémentaire de plusieurs mètres du niveau de la mer sur des centaines ou des milliers d’années, perte de ressources côtières, réduction de la productivité des pêches et de l'aquaculture, diminution des récifs coralliens de 70 à 90%, perte irréversible de nombreux écosystèmes marins et côtiers, augmentations de la température moyenne sur la plupart des terres émergées et des régions océaniques, augmentations des extrêmes chauds dans la plupart des régions habitées, perte et extinction d'espèces vivantes, propagation d'espèces invasives, multiplication des feux de forêt, augmentation de la pauvreté, élévation des taux de morbidité et de mortalité liées à la chaleur, augmentation de certaines maladies à transmission vectorielle comme le paludisme et la dengue, baisses nettes des rendements du maïs, du riz, du blé et d’autres cultures céréalières, impacts sur le bétail, réductions des disponibilités alimentaires, diminution des ressources en eau, impacts sur la croissance économique, etc.
Mais les politiques menées actuellement en matière d'écologie sont bien trop faibles pour atténuer un tant soit peu le réchauffement anthropique. Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, rendu possible par des politiques inaptes à répondre à l'urgence, les scientifiques prédisent un réchauffement planétaire de 3 à 5°C (selon les estimations) d'ici 2100. Les conséquences seraient éminemment désastreuses, sans précédent et concerneraient toute la planète.
L'inexorable élévation du niveau de la mer expose directement les îles, les zones côtières basses et les deltas à des risques inédits pour de nombreux systèmes humains et écologiques, en raison notamment de l’intrusion accrue d’eau salée, des inondations et de la destruction des infrastructures. Selon une étude scientifique récente, la montée des eaux, qui s'accélère, pourrait atteindre 2,4 mètres d'ici 2100. Concrètement, d'un point de vue humain, cela signifie que de nombreux endroits, en particulier des archipels du Pacifique, seraient inhabitables ; les îles de Polynésie, les Maldives et certaines régions d'Asie seraient particulièrement touchées ; 10 000 à 20 000 îles pourraient disparaître totalement au cours du siècle. Les inondations de certaines zones côtières (notamment les deltas en Afrique et en Asie), voire la disparition de pays insulaires entiers provoqueraient d’importantes migrations forcées. Par ailleurs, de nombreuses grandes villes construites sous le niveau de la mer pourraient être englouties sous les eaux. C’est notamment le cas de Miami, New York, Tokyo, Singapour, Amsterdam ou encore Rotterdam.
D'un point de vue écologique, le réchauffement et l'acidification des océans, dus à l'augmentation des concentrations de CO2 dans l'océan, devrait amplifier davantage les effets néfastes du réchauffement océanique ; ce qui aura un impact sur la croissance, le développement, la calcification, la survie et donc l’abondance d’une large gamme d’espèces marines, allant des algues aux poissons. Cette acidification représente un risque majeur notamment pour les récifs coralliens et certains types de plancton. La Grande Barrière de Corail, le plus grand récif corallien au monde, pourrait disparaître. De nombreuses espèces marines devraient se déplacer vers des latitudes plus élevées, ce qui engendrerait des dommages sur de nombreux écosystèmes.
Une étude scientifique de 2015 a établi qu’une espèce animale sur six pourrait disparaître si le rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre se poursuit. Les menaces d’extinctions varient en fonction des régions du monde : 23% des espèces seraient menacées en Amérique du Sud contre 14% en Australie et en Nouvelle-Zélande par exemple. En moyenne, le GIEC estime de 20 à 30% le taux d'extinction des espèces animales et végétales d'ici 2100, ce qui aurait des conséquences importantes pour les implantations humaines. Une autre étude scientifique affirme même que la sixième extinction animale de masse a déjà débuté ; une situation que la planète Terre n’a plus connu depuis 66 millions d’années.
De manière générale, les phénomènes climatiques seraient aggravés : les événements météorologiques extrêmes tels que les ouragans, les cyclones, les inondations et les sécheresses seraient plus intenses, plus fréquents et d'une plus longue durée. De même que les épisodes caniculaires devraient se multiplier, durer de plus en plus longtemps, et battre sans cesse de nouveaux records de température ; conditions de surcroît favorables à la multiplication des feux de forêts ravageurs. Ces épisodes de fortes chaleurs devraient alterner avec des épisodes de froid polaire, notamment en Europe.
Dans un rapport publié en novembre 2015, la Banque mondiale estime que plus de 100 millions de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté d'ici 2030 si les objectifs de réduction des gaz à effets de serre ne sont pas tenus. Les populations les plus pauvres sont en effet menacées par les mauvaises récoltes dues à la diminution de la pluviosité et par la flambée des prix alimentaires provoquée par les phénomènes météorologiques extrêmes. Le continent africain serait le plus durement touché, la flambée des prix alimentaires pouvant atteindre 12% en 2030 et jusqu’à 70% à l’horizon 2080. L’ONU estime par ailleurs que près de 600 millions de personnes pourraient souffrir de malnutrition d’ici 2080. Dans de nombreuses parties du globe (Asie, Afrique, zones tropicales et subtropicales), les productions agricoles pourraient chuter, provoquant de graves crises alimentaires, sources de conflits et de migrations forcées.
Sous l’effet de vagues de chaleur et d’inondations, le réchauffement climatique aura vraisemblablement des impacts directs sur le fonctionnement des écosystèmes et sur la transmission des maladies animales, susceptibles de présenter des éléments pathogènes potentiellement dangereux pour l’humain. Ces phénomènes pourraient en effet allonger la saison de transmission des maladies propagées par les moustiques et modifier leur répartition géographique. Un réchauffement planétaire de 2 à 3°C augmenterait ainsi de 5% le nombre d’habitantEs exposéEs au paludisme, soit une hausse de 150 millions de personnes. Et selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « deux milliards de personnes de plus pourraient être exposées au risque de transmission de la dengue d’ici les années 2080 ». Les maladies diarrhéiques, le plus souvent provoquées par la contamination de l’eau, pourraient grimper quant à elles de 10% dans les quinze prochaines années.
Toute augmentation du réchauffement planétaire affectera la santé humaine, les moyens d’existence, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau, la sécurité humaine et la croissance économique. Nous sommes littéralement en état d'urgence climatique. Mais ces impacts seront, comme toujours, inégalement répartis : certaines populations, en fonction notamment des rapports de domination, sont plus vulnérables que d'autres. Les îlots de chaleur urbains amplifient souvent les effets des vagues de chaleur dans les villes et touchent particulièrement les habitantEs d'agglomérations. Certains peuples autochtones et les communautés locales qui dépendent des moyens de subsistance agricoles ou côtiers seront les premiers touchés. Les habitantEs des régions arides, des petits États insulaires en développement et des pays les moins développés encourent des risques disproportionnellement élevés. Les enfants, en particulier ceux qui vivent dans les pays pauvres, sont parmi les plus vulnérables aux risques sanitaires qui vont résulter du réchauffement et seront plus longtemps exposés à en subir les conséquences. Les effets sanitaires devraient être aussi plus graves pour les personnes âgées et les sujets présentant des infirmités ou des états pathologiques préexistants.
Partout, les populations pauvres seront les plus massivement et tragiquement touchées. Les zones n’ayant pas de bonnes infrastructures de santé, pour la plupart dans les pays en développement, seront les moins en mesure de se préparer et de faire face à la situation sans assistance. Les riches, pourtant responsables de la plupart des émissions de gaz à effet de serre, auront davantage les moyens de se protéger. Même au sein des pays industrialisés, les habitantEs ne vont pas subir les conséquences du désastre climatique de la même manière : il y aura d'un côté la classe des 10% les plus favorisés qui auront les moyens nécessaires pour limiter sur eux les effets du réchauffement et feront tout pour s’agripper jusqu’au bout à leurs privilèges ; et de l'autre la classe des 90% qui tentera de survivre. On peut même avancer que, lorsque les classes dirigeantes n’auront pas d’autre choix que de mettre en place les changements systémiques nécessaires à leur survie, elles feront tout pour nous faire payer le coût de leur propre sauvetage.
Aux États-Unis, lorsqu'en 2005, à cause de la violence de l’ouragan Katrina, les habitantEs de la Nouvelle-Orléans essayaient de fuir la ville vers celle voisine plus riche de Gretna, la police bloquait le pont sur le Mississippi parce que « il n’était pas question que la rive Ouest devienne La Nouvelle-Orléans » : autrement dit, les riches n’allaient pas accueillir la misère des pauvres noirEs. Lors de l’exode syrien en 2014-2015, provoqué en partie par la gestion lucrative des sécheresses de 2006-2010 [3], ce sont les plus démuniEs qui, fuyant la famine, se sont noyéEs en mer Méditerranée à cause de la politique européenne de fermeture des frontières. Et quand la canicule frappait la France à l’été 2003, les personnes âgées qui se trouvaient seules à domicile étaient les premières à succomber, tandis que la surmortalité était significativement plus basse pour celles et ceux qui avaient les moyens de se payer une clinique privée.
D'après l'ONU, et selon un scénario de réchauffement planétaire limité à 2°C, 280 millions de personnes seront, d’ici 2050, forcées de s’exiler à cause des bouleversements climatiques. On peut imaginer l'envergure des enjeux humanitaires et géopolitiques. Contre toute politique meurtrière de contrôle des flux migratoires, c'est pour une politique d'accueil, fondée sur la solidarité, qu'il faudra opter. Nous serons toutes et tous, à des degrés divers, des réfugiéEs climatiques poussés à entrer ensemble en résistance contre les grands pollueurs de ce monde avides d'argent, à lutter pour sauver le climat, nos vies et celles de nos enfants.
[1] Période stable de plusieurs siècles précédant le début de l’activité industrielle à grande échelle vers 1750.
[2] Le GIEC, qui regroupe des centaines de scientifiques de 195 pays, est sans doute l'institution la plus fiable en matière d'analyses sur le réchauffement climatique : voir l'article du Monde
[3] Sécheresse à l'origine de la révolte populaire réprimée violemment par la dictature d'Assad, ce qui a donné lieu à la guerre civile en Syrie commencée en 2011 et provoquant en autre partie un exode massif, surtout vers les pays limitrophes. Cette tragédie montre comment des effets du changement climatique peuvent, selon les conditions sociales et politiques, dégénérer en guerre.