Le 18 décembre dernier s’est tenue la NAO 2025 chez Captrain France. Comme chacun-e sait, un nouvel accord d’entreprise en est ressorti, signé par l’habituelle coalition Direction-CGT-UNSA, et qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025. SUD-Rail Captrain n’a pas signé. Cet accord est une caricature d’offensive patronale contre nos salaires. C’est la première fois que la direction s’attaque aussi brutalement aux intérêts des salarié-es de l’entreprise.
Cette année, plus que jamais, nous étions en droit d’espérer du salaire. Le bénéfice net de l’entreprise bat des records (ce sera peut-être plus de 4 millions d’euros à la fin de l’année), des dividendes ont été versés à l’actionnaire, l’inflation des prix à la consommation s’est contractée sur un an, le chiffre d’affaires ne cesse d’augmenter depuis toujours, année après année. C’est une entreprise sereine et solide qui peut compter sur notre travail ; la direction pourrait raisonnablement avoir confiance en nous pour l’avenir. Tout était réuni pour enfin « investir » sur nous, pour nous faire gagner du pouvoir de vivre, en augmentant significativement nos salaires de base, pour nous donner des raisons d’envisager un avenir durable dans cette entreprise, et pour donner à d’autres l’envie de nous rejoindre. Une occasion inédite pour la direction d’approcher l’entreprise du niveau salarial des EF concurrentes.
La direction n’a pas confiance en ses salarié-es. Pour éviter de nous donner du salaire, le Président n’a cessé de rabâcher, comme chaque année, son récital patronal courtermiste : malgré les excellents résultats financiers, il ne peut pas s’engager sur les années suivantes, du salaire supplémentaire mettrait en danger l’entreprise, il y a des pertes de contrats non budgétisés pour 2025, il vaut mieux donner une prime en « one-shot », bla, bla, bla… C’est donc près d’un million d’euros qui ont été versés sous forme de prime de « partage de la valeur » (PPV). Quasiment tout est mis là-dedans, le reste n’étant, pour l’essentiel, que des miettes.
Pourtant, cette entreprise a connu bien d’autres NAO, dans des contextes beaucoup moins favorables, qui ont donné lieu à de bien meilleures augmentations de la masse salariale et de bien meilleures augmentations générales du salaire de base. D’autres entreprises, réalisant moins de bénéfices, étant moins solides sur le long terme, accordent de meilleurs salaires. La majeure partie des EF concurrentes, exposées aux mêmes problèmes sectoriels, offrent de meilleurs salaires. La réalité, c’est que les patrons trouvent toujours comment financer des augmentations salariales quand ils se sentent obligés. La direction a donc fait un choix politique, en rupture avec le récent passé, contre nos salaires et nos intérêts, parce qu’elle s’en est sentie capable.
Pour ne pas mettre l’augmentation générale (AG) à un niveau acceptable, la direction a multiplié les primes. C’est la meilleure manière d’éclater nos salaires. Nous avons donc droit à une AG misérable et des miettes pour les seules primes et indemnités qui vont dans notre intérêt, celles qui rétribuent les contraintes attachées à nos métiers (+0,20€ pour l’heure de RHR, des centimes pour la prime de nuit, +5€ pour les primes de MTP, des centimes pour les frais professionnels), et rien sur les conditions de travail. C’est une honte !
En revanche, en matière de primes qui servent les intérêts patronaux, des moyens ont d’abord été mis sur la création de la prime conduite commerciale (PCC) à 5€ par JS. Le Président a imposé cette prime, coûte que coûte, sous prétexte de favoriser les CDL afin d’endiguer les départs. Elle n’est en effet attribuée qu’aux CDL, ce qui exclut tous les autres emplois, et seulement pour une JS qui consiste à tirer un train commandé par un client pour réaliser du transport de marchandises sur SFN, ce qui exclut par définition les acheminements, les HLP, les missions de manœuvres, de travaux, de sauvetages ou dépannages.
Ainsi donc, l’OFS, qui contribue au même titre à réaliser un train commandé par un client, n’y a pas droit… Et ce n’est pas du tout ces primes à la tâche qui vont éviter les démissions des CDL. Il s’agit d’une prime absurde, injuste, arbitraire, qui ne sert qu’à diviser les salarié-es ! C’est une honte !
LES CDL QUITTENT CETTE ENTREPRISE A CAUSE DES SALAIRES DE BASE POURRIS !!
Toujours en matière de primes qui servent les intérêts patronaux, la direction a mis le paquet sur la mal nommée prime de « partage de la valeur » (PPV), mensongère dans son nom : 1000€ pour la majeure partie d’entre nous. Un montant inédit qui en fait semble-t-il la mesure phare de cet accord. Le Président l’a imposée sous prétexte de récompenser le travail fourni qui a donné lieu à l'excellente année financière 2024. Mais contrairement aux années passées, il a refusé de discuter la possibilité de plutôt convertir son équivalent en salaire. Cette année, c’était une « négociation » où rien n’était négociable. En fait, il s’agit d’une attaque inédite et brutale contre nos salaires et nos intérêts.
Qu’est-ce que la PPV ? Comme l’intéressement, il s’agit d’une prime exonérée des cotisations salariales et des contributions sociales (plus précisément, elle n'est pas exonérée de l'impôt sur le revenu, de la CSG et de la CRDS, impôts payés uniquement par les salarié-es, et non par l’employeur ; c’est pourquoi la direction parle abusivement de 1000€ « bruts »), ce qui signifie qu’aucune cotisation destinée à notre protection sociale n’est payée, ni par la part salariée, ni par la part patronale. C’est toute la partie socialisée de notre rémunération qui nous est légalement volée. C’est presque comme si on travaillait pour être payé « au black ». C’est une honte !
La partie manquante de notre rémunération fait que cette PPV, comme l’intéressement, a des effets néfastes très concrets sur nos vies. Puisqu’elle ne finance pas le système de protection sociale, du fait des exonérations, ce sont notre santé (le niveau de remboursement de la consultation, des médicaments, etc.), notre retraite (le montant des pensions), notre chômage le cas échéant (le montant de l’allocation), et nos allocations familiales (notamment pour nos enfants, nos loyers, etc.) qui seront revus à la baisse. Ce sont donc autant de nécessités vitales que nous devrons payer de notre poche, et qui nous coûteront bien plus que 1000€. L’actualité politique et sociale en France est là pour nous le rappeler ! Quand les patrons ne paient pas leur part, c’est à nous qu’on la fait payer ! Le système français de protection sociale, conquête du mouvement ouvrier et syndical, sans doute le plus abouti au monde, est notre meilleure garantie de sécurité dans la vie. Notre intérêt, c’est d’avoir du salaire brut plus élevé !
Le cas de la retraite est éloquent. Concrètement, d’une part, cette PPV fait d’ores et déjà baisser notre future pension de retraite, en faisant baisser la moyenne de nos 25 meilleures années prises en compte dans le calcul de la pension : on se fait donc déjà berner par un côté. D’autre part, toutes ces exonérations expliquant le manque de recettes du système de protection sociale, les gouvernements successifs font régulièrement des contre-réformes du système des retraites pour nous obliger à travailler plus longtemps : on se fait donc encore berner par l’autre côté. Et ce qui est pathétique dans cette grave affaire, c’est que, parmi les signataires de telles mesures, responsables de ces reculs sociaux, en cas de contre-réforme du système des retraites, les uns s’insurgent, font grève et vont manifester dans la rue, les autres se plaignent que les fermetures temporaires des postes d’aiguillages pénalisent leur chiffre d’affaires…
Voilà ce à quoi contribue cette PPV ou le futur intéressement déjà promis, dans la mesure de ce qu’ils représentent dans l’ensemble. Le Président de Captrain France est un casseur de salaires dans l’entreprise, et contribue, à son échelle, de concert avec d’autres patrons, à la destruction du système de protection sociale. Avec cet accord, la direction a œuvré brutalement, avec le soutien des signataires, contre nos intérêts. C’est une honte !
Nos intérêts commandaient d’attribuer 50 euros supplémentaires dans le salaire de base brut mensuel des salarié-es des classes 1 à 5, gagnés pour la vie, en lieu et place de cette PPV ponctuelle de 1000€ : nous aurions été largement gagnants. Sans même considérer les gains supplémentaires sur les primes corrélées au salaire de base. Et à « dépense » équivalente pour l’entreprise.
Une seule organisation syndicale (OS) a revendiqué cette PPV. Il s’agit de l’OS qui a fait 20,80% aux dernières élections dans l’entreprise, soit le plus petit score. La direction est donc allée essentiellement dans le sens de l’OS qui représente le moins de salarié-es dans l’entreprise : quelle estime de la démocratie !
Il ne fallait pas signer cet accord pro-patronal. Si des OS majoritaires n’avaient pas signé, la direction aurait été contrainte de prendre des mesures unilatérales, qu’elle aurait classiquement revu au rabais pour que les salarié-es s’en prennent aux OS non signataires. Face à cette injustice, une grève unitaire aurait alors été massive et aurait facilement permis d’obtenir mieux. Signer un tel accord encourage la direction à poursuivre sa politique contre les salarié-es. C’est sans aucun doute le pire accord NAO de l’histoire de l’entreprise. Peut-on envisager de laisser passer une telle attaque contre nos intérêts sans rien faire ?